L’expression « préférence nationale » est considérée comme le marqueur principal
des discours d’extrême droite Ainsi elle est devenue pour beaucoup une marque
d’infamie, alors qu’une majorité de français semblent la plébisciter. Une des explications
de ce hiatus est peut-être qu’elle contient une ambigüité qu’il faut analyser
pour expliciter ce qu’elle signifie en fait.
L’idée même de nation implique un partage entre nationaux
et étrangers, des droits et des devoirs différents. La « préférence nationale » au sens
propre désigne ainsi d’abord l’exclusivité du droit de vote, de la possibilité
d’intégrer la fonction publique, le droit de travailler sans autorisation
préalable, ouvrant des droits sociaux liés à des cotisations versées. Il y a
donc de fait, dans tous les pays une « préférence nationale ». Or cette
formule signifie tout autre chose dans le champ politique.
La loi « immigration » illustre parfaitement
cette confusion. L’ensemble des commentateurs pointent qu’elle inscrit la préférence nationale dans la loi. On
comprend alors le sens pratique de ce concept flou : rendre autant que
possible la vie plus difficile pour les étrangers en situation régulière vivant,
étudiant, travaillant sur notre sol, en diminuant drastiquement leurs droits. Préférence ?
Aucunement : cela n’améliorera en rien la situation des français, mais cela
rendra encore plus difficile l’intégration des immigrés en situation régulière,
cela les précarisera encore davantage en vue de leur exploitation économique dans
des secteurs essentiels de notre économie (le bâtiment, l’agriculture, l’hôtellerie-restauration,…).
L’expression « préférence nationale » est ainsi un leurre rhétorique qui masque
une idée moins consensuelle : l’éviction
nationale des immigrés.
Double victoire du RN : symbolique et politique.
Symbolique puisque le concept flou qu’il promeut depuis longtemps est
plébiscité par les français qui ne soutiendraient pas autant l’éviction nationale.
Politique puisque le Conseil constitutionnel va certainement retoquer un
certain nombre d’articles de la loi, confirmant ainsi l’idée chère au R.N. qu’il
faut modifier la constitution pour y inscrire la préférence nationale, masque soft de l’éviction nationale.