jeudi 16 juin 2022

Que peut espérer le peuple de gauche ?


 

Le peuple de gauche est l’ensemble - de plus en plus réduit - des citoyens en accord avec un socle de valeurs fondatrices de la gauche historique : la justice sociale, l’émancipation individuelle, et, plus récemment, l’urgence écologique, avec, pour horizon, une rupture avec l’hubris capitaliste qui détruit notre biosphère et écrase les humains.

Le peuple de gauche, ainsi défini, représentait jadis la moitié du corps électoral, il s’est réduit à peau de chagrin par l’effet des trahisons, des compromissions et des incohérences des partis sensés le représenter. Il est donc totalement illusoire, fallacieux et contre-productif de confondre le peuple de gauche avec le Peuple tout court. Que peut espérer le peuple de gauche, ou du moins ce qu’il en reste ?

Pour le peuple de gauche, la création de la NUPES représente à la fois un espoir de renouveau et le dernier stade de la déliquescence. C’est donc un pharmakon, mot grec, sans équivalent en français, qui désignait à la fois un remède et un poison.

Un remède car cette union inespérée des partis de gauche répond à la défiance qu’ils ont eux-mêmes suscitée, qui a eu pour effet leur étiolement catastrophique. Un poison car le parti central de cette union, produisant à son tour méfiance et rejet, fera de la NUPES le pendant à gauche du RN à droite : un épouvantail qui légitime le macronisme. En effet la « Maison Mélenchon » incarne ce que la gauche a produit de pire au fil de son histoire : la centralité d’un Leader massimo cyclothymique, un tropisme dictatorial qui se révèle à travers ses modèles revendiqués – Robespierre, Fidel Castro, Chavez, Maduro,…-, un penchant antidémocratique qu’atteste le fonctionnement interne de LFI dénoncé de l’intérieur par les militants eux-mêmes, une attitude aussi ambiguë qu’inacceptable avec l’islamisme et l’antisémitisme.

Que peut encore espérer le peuple de gauche, du moins ce qu’il en reste ? Que la NUPES se dote de statuts démocratiques, qu’elle s’ouvre largement aux adhésions individuelles ou associatives, qu’elle s’émancipe de la domination mélenchonienne, et des tractations partisanes, qu’elle se concentre sur les fondamentaux - l’urgence écologique, la justice sociale, l’émancipation individuelle, les services publics et la refonte nécessaire des institutions démocratiques.

C’est pas gagné !


 

vendredi 3 juin 2022

Le "pouvoir" d'achat est-il toxique ?

 

« Les mots peuvent être comme de minuscules doses d’arsenic : on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu’après quelque temps l’effet toxique se fait sentir. » Victor Klemperer, LTI. La langue du IIIe Reich, 1947

Le « pouvoir » d’achat a été, est et sera un thème central de la campagne des élections législatives. Incontournable, omniprésent, mobilisateur, consensuel, aucun parti en lice ne songe à le mettre en question, tous veulent l’augmenter. Pourtant je fais partie de ceux qui pensent que l’inflation de ce thème dans le débat public est le signe d’une quadruple catastrophe, politique, sociale, écologique et anthropologique.

-       Une catastrophe politique. Le « pouvoir » d’achat des individus signe l’impuissance politique des citoyens convoqués tous les cinq ans pour entériner le sacre d’un monarque républicain désigné d’avance, chef du parti conforme à l’ordre consensuel des choses.

-       Une catastrophe sociale. Le « pouvoir » d’achat signe la dissolution du lien social dans le libre jeu de la concurrence entre les individus producteurs-consommateurs, sa généralisation à toutes les classes sociales disqualifie l’idée de justice sociale impliquant solidarité et redistribution.

-       Une catastrophe écologique. Le « pouvoir » d’achat rend inopérante l’idée essentielle de sobriété énergétique impliquant nécessairement une baisse du « vouloir d’achat ».

-       Une catastrophe anthropologique. Réduisant l’activité humaine au triptyque consommateur / touriste / spectateur[P1] , le « pouvoir » d’achat n’implique pas la conscience ou la délibération, mais la réponse impulsive d’un cerveau disponible aux nudges du neuro-marketing.

Disserter sur la toxicité du « pouvoir » d’achat peut sembler indécent quand on fait partie de ceux qui disposent du superflu. Deux remarques : 1) le superflu est une impérieuse nécessité quand il concerne l’art, la connaissance, l’amour, la politique ; 2) souligner la toxicité de « pouvoir » d’achat sert à remettre au centre du débat public la justice sociale : nul ne doit manquer du nécessaire.


 [P1]