« Que
faire ? » : titre d’une brochure écrite par Lénine en 1901,
exhortant la classe ouvrière à tourner le dos aux sociaux-démocrates
réformistes pour se convertir au bolchévisme révolutionnaire. Plus d’un siècle
plus tard, cette question se pose dans un tout autre contexte, mais d’une façon
tout aussi cruciale. Autre contexte : l’Histoire nous a appris que les révolutions
trahissent toujours les idéaux qui les ont enfantées, et le présent est marqué
par une défiance massive envers notre régime représentatif. Pourtant nous
sentons confusément que l’enjeu de la prochaine élection dépasse celui de
toutes celles qui l’ont précédée du fait d’une triple fracture, écologique,
sociale et politique.
La fracture
écologique : le changement climatique commence à produire des effets qui
rendent à présent évidente l’idée que nous ne pourrons pas conserver impunément
notre mode de vie.
La fracture sociale :
la montée des inégalités et le ressentiment qu’elle produit fragilisent le
contrat implicite qui liait jusqu’alors, dans un destin commun, les groupes
sociaux, des plus riches au plus pauvres.
La fracture
politique : la défiance envers la classe politique au pouvoir et les
« élites », a atteint un tel niveau que l’extrême droite xénophobe
cumule plus de 30% des intentions de vote.
Que faire ? Cette question se pose donc à nouveau à tous ceux qui ne
font confiance à aucun parti politique (84% du corps électoral) ni à aucun des
candidats en lice.
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Voter ? Pour ceux qui n’attendent plus rien du système représentatif
actuel : voter pour le candidat le mieux placé pour battre l’extrême
droite. Mais voter implique une adhésion au système, qui en prolonge donc la
survie.
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Ne pas voter ? Compter sur la montée de l’abstention pour provoquer
une crise de régime, un référendum, une assemblée constituante. Mais une agonie
peut être longue, et son issue peut aussi être une dictature dont on sent déjà bien
les signes avant-coureurs.
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Agir ailleurs ? Voter sans aucune illusion sur la capacité du
vainqueur à peser sur les trois fractures, donc ne pas attendre l’homme ou la
femme providentielle, mais agir ici et maintenant, chacun à son niveau, dans
les trois dimensions – écologique, sociale et politique –. Mais ne sommes-nous
pas déjà au point où la bonne volonté et la méthode des petits gestes semblent
bien dérisoires.
Que faire ?