vendredi 26 avril 2024

L'empathie est-elle un remède contre la violence ?

  

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la période actuelle est marquée par une ambiance de violence, entre individus, entre groupes, entre forces politiques, entre pays. Dans les débats sur ce thème la notion d’empathie est souvent évoquée comme un antidote, il conviendrait donc de la développer grâce à des « kits pédagogiques pour des séances d’empathie à l’école » (source : eduscol.fr). Or cette idée soulève plusieurs problèmes : d’une part, il est douteux que l’empathie soit susceptible d’être enseignée ou développée, d’autre part, loin d’être un remède contre la violence, elle en est peut-être un des ressorts.

-       L’empathie ne relève pas de l’éducation car elle est une capacité immédiate à percevoir et comprendre les états émotionnels des autres. Elle serait le fondement de la morale car elle suscite un souci de l’autre, de son bien-être ou du moins un engagement pour une atténuation de sa souffrance. Rousseau nommait ce sentiment, naturel et inné chez tout individu, la Pitié, - une répugnance innée et instinctive face à la souffrance d’autrui mais il pointait qu’elle est susceptible d’être inhibée par les capacités acquises dans la vie sociale, principalement « l’Amour propre ». L’éducation morale, moins efficace que l’empathie, serait donc nécessaire pour vivre en société.

-       De la philosophie à la psychologie sociale, la notion d’empathie est passée de la pure spéculation à l’observation objective, ainsi les études ont montré que cette prédisposition psychobiologique était fortement modulée par un « biais de groupe ». En effet l’empathie est proportionnelle à la proximité : forte vis-à-vis de ceux que nous percevons comme semblables (famille, clan, groupe ethnique, religion, nationalité,…), elle est atténuée vis-à-vis des « autres », voire même réduite à zéro si ces autres sont perçus comme hostiles.

Or nous vivons une période de repli communautaire, d’exacerbation des questions d’identification à des semblables, donc de distinction vis-à-vis des autres. Les affiliations religieuses ou idéologiques n’y peuvent rien, au contraire elles augmentent la dissymétrie empathique. Ainsi, concernant la violence israélo-palestinienne, le partage binaire et manichéen en deux camps produit mécaniquement une empathie sélective qui conduit à relativiser voire-même disqualifier les souffrances de l’autre camp.

Quant à l’éducation à l’empathie, plutôt qu’un kit pédagogique pour des « séances d’empathie » au bon gré des enseignants - comme les séances d’éducation sexuelle autrement plus essentielles -, il faut transmettre encore et toujours les principes d’équité et de justice, en faisant de la vie scolaire une expérience quotidienne de mise en pratique de ces principes.