L’indignation morale
contre l’islamophobie semble justifiée par le fait qu’elle serait une forme de
racisme au sens d’une attitude d’hostilité systématique à l’égard d’une
catégorie déterminée de personnes. Mais si l’on est attentif au sens des mots,
cela semble moins clair. En effet le concept d’islamophobie est ambigu, ce qui
est extrêmement préjudiciable à la clarté et la sérénité des débats.
Au sens propre
du terme, l’islamophobie est le rejet de l’Islam en tant que doctrine
religieuse, elle relève donc de la liberté d’opinion et d’expression, au même
titre que la judéophobie, la christianophobie ou même, si elle existe, l’athéophobie
– rejet des religions judaïques et chrétienne ou de l’athéisme revendiqué. Or on
assimile très généralement l’islamophobie à une forme de racisme, une haine des
musulmans, qui ne relève pas du tout de la même catégorie. On devrait
distinguer clairement les deux sens comme on le fait pour l’antisémitisme, la
judéophobie et l’antisionisme. Il faut par ailleurs distinguer les actes criminels,
et donc évidemment condamnables, vis-à-vis des lieux de culte, des cimetières
ou des personnes musulmanes, et la liberté de critiquer l’Islam, l’islamisme ou
même l’expression forte et publique de la foi pour une religion qui, soit dit
en passant, rend possible une version fanatique qui assassine, réduit en
esclavage et viole. Il faut enfin distinguer l’islamophobie et l’arabophobie
qui est clairement une forme de racisme, qui se manifeste massivement en France
par des discriminations de toutes sortes vis à vis des personnes d’origine
maghrébine, que la loi doit sévèrement sanctionner.
Les
fondamentalistes musulmans jouent sur l’ambigüité pour museler les critiques vis-à-vis
de leur vision rigoriste de l’Islam. En l’occurrence les tensions autour du
voile ne concernent pas l’Islam en général mais sa version islamiste qui a une
visée politique, qui constitue le terreau idéologique dans lequel poussent les groupes
terroristes, et qui attise la tension clairement assumée par la propagande
djihadiste entre musulmans et « mécréants », facteur essentiel de radicalisation.
Mais la
précision conceptuelle n’est pas suffisante pour éviter les ambigüités, ainsi les
antisémites s’expriment souvent sous couvert d’un antisionisme de mascarade, à
travers l’idée implicite, largement partagée, que les juifs sont tous, par
nature, des soutiens inconditionnels de l’Etat d’Israël. La précision conceptuelle
comme l’ambigüité peuvent donc toujours être instrumentalisées par la mauvaise
foi et la propagande. Mais la précision vaut toujours mieux car, comme le
disait Camus, " mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde."