samedi 6 octobre 2018

Faut-il défendre le libéralisme ?

« Libéralisme », peu de mots sont autant unanimement haïs aujourd’hui. Pour la gauche, libéralisme signifie capitalisme débridé ; pour la droite, libéralisme signifie relâchement des mœurs ; pour les populistes de tous bords, libéralisme signifie technocratie ; pour les républicains, libéralisme signifie tolérance du communautarisme ; pour les conservateurs, libéralisme signifie effondrement des valeurs ;… Qui ose d’ailleurs encore se réclamer de cette doctrine ? Même M. Macron, que l’on qualifie souvent de libéral, ne reprend jamais à son compte cette étiquette, et on le comprend, il chuterait immédiatement au fond des sondages. D'ailleurs on cherche en vain le terme « libéral » sur le site de en-marche.fr. Mais alors faut-il définitivement jeter le libéralisme aux poubelles de l’histoire, avec le fascisme ou le stalinisme ?
Or notre cadre politique de référence est la démocratie dite « libérale ». C'est-à-dire une conjonction tout à fait singulière dans l'histoire, qui associe le principe de souveraineté du peuple à un ensemble d'institutions « libérales » visant à garantir les libertés individuelles. Cette conjonction est d’autant plus fragile qu’elle ne va pas du tout de soi. En effet le principe de liberté individuelle n'est pas a priori contenu dans l’idée de souveraineté du peuple ; la démocratie a, pendant des siècles, été considérée comme le pire des régimes car elle signifiait le pouvoir de la foule, une tyrannie de la majorité. Ainsi le libéralisme tempère la démocratie en l’associant à un ensemble de principes et d’institutions, visant à limiter le pouvoir de l’Etat, et à donner aux individus un socle de protections leur permettant de vivre sans la crainte d’être opprimé pour leur religion, leur orientation sexuelle, leur propre doctrine morale ou politique.
Le libéralisme bien compris ne réclame donc pas le dépérissement de l’Etat, mais le renforcement de son rôle protecteur. Il s’oppose d’ailleurs aussi bien à l’Etat autoritaire, à l’emprise des Eglises, au capitalisme débridé ou au communautarisme. En effet la protection des libertés individuelles implique la limitation de l’emprise des communautés pour lesquelles le groupe prime sur l’individu, elle implique aussi une limitation stricte de l’intervention de l’Etat dans la sphère de la vie privée, enfin, elle impliquerait une protection contre les structures de pouvoir qui exercent une emprise et un conditionnement des individus : les groupes industriels et leur bras armé, la publicité. Il faut donc bien distinguer ce libéralisme politique bien compris de sa dérive économiste : le néolibéralisme ou l’ultra-libéralisme ; il faut aussi le distinguer de sa dérive technocratique qui confisque la démocratie au profit d’une petite élite d’experts.
Cette prise de conscience est urgente au moment où nous assistons, sidérés et impuissants, au détricotage du lien entre démocratie et libéralisme, en Russie, en Turquie, au Brésil, aux Etats-Unis, en Hongrie, en Pologne et à nos frontières en Italie. Il est urgent de défendre le principe libéral contre le retour de la face noire de la démocratie : la démocrature.