dimanche 12 avril 2020

La santé ou la liberté, faut-il choisir ?


 La situation actuelle nous ramène à deux questions fondamentales : Que puis-je savoir ? Que dois-je faire ? Ces deux questions sont liées entre elles, mais leurs réponses respectives sont relativement indépendantes : nous pouvons choisir de nous adapter à la réalité contre nos idéaux, ou nous pouvons au contraire décider de refuser de nous adapter.
Aujourd’hui, ces deux questions se posent à nous collectivement de façon cruciale.
1)    Que pouvons-nous savoir ?
Nous sommes noyés sous un déluge d’ « informations », mélange indigeste de faits établis, de supputations, de fake-news, de commentaires et d’opinions plus ou moins éclairées d’experts, de pseudo-experts, d’éditorialistes,… Comment s’y retrouver ? Comment reconnaître un fait établi par la communauté scientifique ? Ainsi lorsqu’un professionnel de santé s’exprime, donne-t-il son opinion, formule-t-il une hypothèse, ou communique-t-il des savoirs dûment validés ? Quand il nous donne des chiffres et des statistiques, quelle est leur fiabilité ? Quand il cite des « études », quel est leur niveau de validité ? (étude de cas = niveau faible ; études transversales = niveau bon en défaveur d’une hypothèse, mais médiocre en sa faveur ; étude de cohortes importantes sur une longue période = niveau très bon ; méta-analyse critique de plusieurs études = niveau excellent) Et nous-mêmes, sommes-nous bien conscients des biais qui déforment notre jugement ou rétrécissent notre perception d’une réalité d’autant plus complexe qu’elle est quasiment inédite ? Le savoir exige un effort, ce n’est pas un produit de consommation, aujourd’hui plus que jamais.
2)    Que devons-nous faire ?
Mesure-t-on bien le risque que nous encourons collectivement dans le sacrifice de libertés fondamentales, comme celles de se réunir, de se déplacer, ou dans le traçage numérique qui se met en place ? Selon l’essayiste Naomi Klein, l’état d’urgence est souvent le cheval de Troie de ce qu’elle nomme la Stratégie du choc : les systèmes de pouvoir utilisent depuis longtemps les désastres de toutes sortes pour imposer leurs réformes – privatisations du secteur public, ou limitations des droits et des libertés. On peut refuser cette vision des choses, mais on ne peut pas nier cette évidence : nous assistons en direct à une expérience psycho-politico-sociale qui teste le consentement collectif à des mesures liberticides décidées autoritairement comme s’il n’y avait pas d’alternative. Or en matière de politique,  le TINA - there is no alternative, concept créé par Mme Thatcher – est un mensonge,  il y a toujours des alternatives. Mais elles relèvent du bavardage lorsque la démocratie, la délibération et le débat public sont suspendus au profit d’un pouvoir autocratique autoritaire dont nul ne mesure aujourd’hui les limites.

Dans un moment où les savoirs sont incertains, devons-nous nous adapter et accepter sans broncher de sacrifier nos idéaux démocratiques ? Comment comprendre des politiques aussi brutales pour faire face à un engorgement des hôpitaux, et une telle pusillanimité face au changement climatique qui ruinera les moyens de survie de populations entières ? Après les attentats, les gilets jaunes et aujourd’hui le covid 19, devons-nous consentir à ce que l’état d’urgence devienne en fait l’état ordinaire ? Comme la grenouille dans le bain que l’on chauffe progressivement, devons-nous nous résoudre à glisser subrepticement et peut-être inexorablement vers un Etat autoritaire ? Que sommes-nous prêts à sacrifier pour nous adapter à la situation ? Quand nous apercevrons-nous que nous avons peut-être perdu quelque chose de plus essentiel qu’une santé insouciante ?
Ces questions essentielles, on ne nous les pose pas, alors posons les..