samedi 5 juin 2021

L'hypothèse démocratique est-elle soluble dans l'émotion ?


                                                                              

         L’hypothèse démocratique est basée sur la capacité supposée des citoyens à réfléchir au bien commun, de façon dépassionnée, informés par les sciences et des médias d’information généralistes indépendants. Mais cette idée ne va pas du tout de soi : la démocratie a longtemps été considérée comme le pire des régimes, car le demos renvoyait à une masse d’individus soumis à leurs passions, donc inaptes à l’exercice de la raison. Or la crise que nous traversons confirme cette tendance pathologique de la démocratie : la citoyenneté émotionnelle. La peur et la colère en sont les deux agents pathogènes.

 

La peur a été instrumentalisée et exacerbée par le gouvernement pour mieux faire oublier son incurie sanitaire, le délabrement du système de santé opéré depuis des décennies par les gouvernements sociaux-libéraux, les conditions causales de la pandémie : la destruction industrielle de la biodiversité, l’élevage intensif, la banalisation à moindre coût des trajets inter continentaux. Il a décrété autoritairement le partage entre « l’essentiel » et « l’inessentiel ». Il a traité les citoyens comme des enfants paniqués, indisciplinés, transformant du même coup les victimes d’une politique de destruction du système sanitaire, en responsables de la circulation virale, égoïstes, déficients, inaptes à penser le bien commun.

Une colère haineuse a contaminé la résistance légitime à cette politique de la peur, entraînant un rejet global des institutions d’établissement des faits - la science et les grands médias généralistes - et une éclipse de la raison dans le covido scepticisme et son prolongement naturel, le complotisme. La juste indignation politique contre le néo libéralisme mondialisé, principal responsable de la crise, a muté en un variant apolitique, anti institution, anti-science, anti-masque, anti-vax.

 

         La peur profite aux forces conservatrices du système, la colère aux partis populistes extrêmes. Quand les Lumières vacillent, quand le lien entre démocratie et savoir s’effrite, la citoyenneté émotionnelle rend caduque l’hypothèse démocratique. Elle prépare un nouveau duel Macron - Le Pen, choix pipé entre le néolibéralisme mondialiste, autoritaire, et le nationalisme réactionnaire, autoritaire. Deux pentes anti-démocratiques.