L’hypothèse démocratique est basée sur
la capacité supposée des citoyens à réfléchir au bien commun, de façon dépassionnée,
informés par les sciences et des médias d’information généralistes indépendants.
Mais cette idée ne va pas du tout de soi : la démocratie a longtemps été considérée
comme le pire des régimes, car le demos
renvoyait à une masse d’individus soumis à leurs passions, donc inaptes à l’exercice
de la raison. Or la crise que nous traversons confirme cette tendance
pathologique de la démocratie : la citoyenneté émotionnelle. La peur
et la colère en sont les deux agents pathogènes.
La peur a été instrumentalisée et exacerbée
par le gouvernement pour mieux faire oublier son incurie sanitaire, le
délabrement du système de santé opéré depuis des décennies par les gouvernements
sociaux-libéraux, les conditions causales de la pandémie : la destruction
industrielle de la biodiversité, l’élevage intensif, la banalisation à moindre
coût des trajets inter continentaux. Il a décrété autoritairement le partage
entre « l’essentiel » et « l’inessentiel ». Il a traité les
citoyens comme des enfants paniqués, indisciplinés, transformant du même coup
les victimes d’une politique de destruction du système sanitaire, en
responsables de la circulation virale, égoïstes, déficients, inaptes à penser
le bien commun.
Une colère haineuse a contaminé la résistance
légitime à cette politique de la peur, entraînant un rejet global des
institutions d’établissement des faits - la science et les grands médias
généralistes - et une éclipse de la raison dans le covido scepticisme et son
prolongement naturel, le complotisme. La juste indignation politique contre le
néo libéralisme mondialisé, principal responsable de la crise, a muté en un
variant apolitique, anti institution, anti-science, anti-masque, anti-vax.
La peur profite aux forces
conservatrices du système, la colère aux partis populistes extrêmes.
Quand les Lumières vacillent, quand le lien entre démocratie et savoir
s’effrite, la citoyenneté émotionnelle rend caduque l’hypothèse démocratique. Elle
prépare un nouveau duel Macron - Le Pen, choix pipé entre le
néolibéralisme mondialiste, autoritaire, et le nationalisme réactionnaire,
autoritaire. Deux pentes anti-démocratiques.