Comment les terriens du futur jugeront-ils l’énergie phénoménale que nous
dépensons collectivement pour deux années supplémentaires de « vie active »,
au moment où la co-habitabilité de la
planète – formule d’Yves Citton - est gravement menacée ? C’est un peu
comme si on discutait du confort des sièges dans une voiture fonçant vers un
mur. Quel paradoxe : on nous somme de travailler deux ans de plus et nous investir
ainsi davantage dans l’entreprise productiviste
écocidaire, au moment où il faudrait absolument ralentir et bifurquer !
Or voici le comble de ce paradoxe, l’arbre des 64 ans masque une forêt :
la richesse sémantique de l’idée-même de retraite qui fournit des outils précieux
pour penser la bifurcation :
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Faire retraite, c’est se retirer de l’agitation du monde pour se recueillir. En l’occurrence,
il s’agirait de refuser de participer davantage à l’ubris consumériste
extractiviste en désertant les jobs toxiques - bullshit jobs et jobs
destructeurs - comme nous y invitent les diplômés de l’Agro-Paris-Tech.
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Battre en retraite, c’est abandonner une position forte, privilégiée, pour sauver l’essentiel :
donner un sens humanisant à son travail, au prix d’une moindre rémunération.
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Retraiter, c’est réorienter l’intelligence et la créativité humaine vers d’autres
modèles de la vie bonne que celui de la folie compétitive exacerbée par la
propagande publicitaire.
Le paradoxe se double
d’un point aveugle : la réforme présentée comme nécessaire suppose implicitement
une croissance économique continue. En effet, les retraites à venir s’entendent
« toutes choses égales par ailleurs », alors-même que la catastrophe
écologique impactera gravement la sphère économique. Ainsi le réalisme
comptable s’opère au prix d’un aveuglement totalement irrationnel.
Idée : travailler deux ans de plus collectivement, non pour financer les retraites, mais pour amortir la bifurcation : financer l’isolation de toutes les passoires thermiques, aider les pays du sud à éviter l’aberration écocidaire du modèle occidental. « Soyons réalistes, demandons l’impossible ! »
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