jeudi 24 janvier 2019

Débattre ou ne pas débattre, telle est la question ?



L’appel au Grand Débat National – G.D.N. - sent l'arnaque, tout le monde le comprend confusément. Machiavel peut nous aider à saisir le sens profond et intemporel de ce qui se joue ici. D’après lui Le Prince est toujours en position d'équilibriste entre deux forces qui le dépassent, les Puissants et le Peuple. Les Puissants veulent dominer, le Peuple refuse d'être dominé. Le Prince a donc deux options : être aimé des Puissants ou être aimé du Peuple. La seconde est nettement préférable car les Puissants n'oseront pas s'opposer à un Prince qui a l’appui du Peuple, mais le Prince ne doit pas trop chagriner les Puissants dont le soutien lui est nécessaire. Ainsi le G.D.N. apparaît clairement comme une manœuvre du Prince Macron pour amadouer le Peuple, alors qu’« en même temps » son refus catégorique de remettre en question l'ISF signe à l’évidence sa pusillanimité vis à vis des Puissants. Alors que faire ? Y aller ou pas ? La manœuvre semble tellement grossière qu'il est tentant de s'abstenir de participer au G.D.N.. Mais il y a peut-être là une occasion arrachée au Prince d’initier une démocratisation de l'Etat. Un moment décisif qui amènera peut-être le début d’un renouveau démocratique !
Il faut d’abord réaliser que la démocratie n’est pas tant un état qu’un processus. Ainsi il ne s’agit pas de se demander si nous sommes en démocratie ou pas, mais plutôt de mesurer le degré de démocratisation de notre Etat. On peut alors constater à quel point celui-ci est médiocre. D’après un très sérieux « indice de démocratie »* international basé sur 60 critères, la France est classée 29ème sur 160 pays, dans le groupe des démocraties « imparfaites », devancée entre autres par le Botswana et le Cap vert. Niveau calamiteux pour le pays dit des Lumières et de la déclaration des droits de l’homme.
Quant à l’étiologie de ce diagnostic, on a déjà pointé le poids démesuré de l’élection présidentielle, l’homogénéité de la classe politique, sa professionnalisation. Mais il y a à mon avis une autre cause plus profonde à notre malaise démocratique : la faible participation politique des citoyens qui est à une condition nécessaire pour une démocratie forte. L’inexistence dans les processus de décision de la délibération citoyenne, et surtout d’une culture de la délibération, justifie les réticences légitimes vis-à-vis du projet de référendum d’initiative citoyenne, qui, en l’absence de celle-ci, peut trop facilement être instrumentalisé par tel ou tel système de pouvoir. Voici pourquoi je pense qu’il faut saisir l’occasion du G.D.N., aussi imparfait et vain soit-il, pour promouvoir une culture de la délibération démocratique, impliquant une large participation de citoyens, des procédures de tirage au sort et un protocole rigoureux.
La démocratie c'est fatigant, il y a trop de réunions ! Alors, citoyens, encore un effort si vous voulez être démocrates !

*https://fr.wikipedia.org/wiki/Indice_de_démocratie