L’appel
au Grand Débat National – G.D.N. - sent l'arnaque, tout le monde le comprend
confusément. Machiavel peut nous aider à saisir le sens profond et intemporel
de ce qui se joue ici. D’après lui Le Prince
est toujours en position d'équilibriste entre deux forces qui le dépassent, les
Puissants et le Peuple. Les Puissants
veulent dominer, le Peuple refuse
d'être dominé. Le Prince a donc deux
options : être aimé des Puissants
ou être aimé du Peuple. La seconde est
nettement préférable car les Puissants
n'oseront pas s'opposer à un Prince
qui a l’appui du Peuple, mais le Prince ne doit pas trop chagriner les Puissants dont le soutien lui est nécessaire.
Ainsi le G.D.N. apparaît clairement comme une manœuvre du Prince Macron pour amadouer le Peuple,
alors qu’« en même temps » son refus catégorique de remettre en
question l'ISF signe à l’évidence sa pusillanimité vis à vis des Puissants. Alors que faire ? Y aller ou
pas ? La manœuvre semble tellement grossière qu'il est tentant de s'abstenir de
participer au G.D.N.. Mais il y a peut-être là une occasion arrachée au Prince d’initier une démocratisation de
l'Etat. Un moment décisif qui amènera peut-être le début d’un renouveau
démocratique !
Il faut d’abord réaliser que
la démocratie n’est pas tant un état qu’un processus. Ainsi il ne s’agit pas de
se demander si nous sommes en démocratie ou pas, mais plutôt de mesurer le
degré de démocratisation de notre Etat. On peut alors constater à quel point
celui-ci est médiocre. D’après un très sérieux « indice de démocratie »*
international basé sur 60 critères, la France est classée 29ème sur
160 pays, dans le groupe des démocraties « imparfaites », devancée entre
autres par le Botswana et le Cap vert. Niveau calamiteux pour le pays dit des Lumières et de la déclaration des droits
de l’homme.
Quant à l’étiologie de ce
diagnostic, on a déjà pointé le poids démesuré de l’élection présidentielle, l’homogénéité
de la classe politique, sa professionnalisation. Mais il y a à mon avis une
autre cause plus profonde à notre malaise démocratique : la faible participation
politique des citoyens qui est à une condition nécessaire pour une démocratie
forte. L’inexistence dans les processus de décision de la délibération citoyenne,
et surtout d’une culture de la délibération, justifie les réticences légitimes vis-à-vis
du projet de référendum d’initiative citoyenne, qui, en l’absence de celle-ci, peut
trop facilement être instrumentalisé par tel ou tel système de pouvoir. Voici
pourquoi je pense qu’il faut saisir l’occasion du G.D.N., aussi imparfait et vain
soit-il, pour promouvoir une culture de la délibération démocratique,
impliquant une large participation de citoyens, des procédures de tirage au
sort et un protocole rigoureux.
La démocratie c'est fatigant,
il y a trop de réunions ! Alors, citoyens, encore un effort si vous voulez
être démocrates !
*https://fr.wikipedia.org/wiki/Indice_de_démocratie