Le sexisme a fini par intégrer la
liste des abominations idéologiques de l’humanité, à l’égal du racisme et de l’antisémitisme.
Or c’est notre langue elle-même qui se retrouve aujourd’hui accusée de cette
tare. « Le masculin l’emporte sur le féminin. » Comment nier que cette
formule lapidaire, implémentée dans nos cerveaux à force de répétitions
professorales, ne contribue pas à l’entreprise de virilisation des petits mâles,
avec d’autres maximes : « Les
garçons ne pleurent pas. », et autre « Montre que tu as des couilles ! ». Fabrication psycho-socio-linguistique
des futurs névrosés de la masculinité. Mais cette formule ne rend-elle pas
compte d’une règle grammaticale ? La langue est-elle sexiste ?
Selon Roland Barthes, « La langue est fasciste ! ». Elle
nous marque de son sceau indélébile, elle n’empêche pas de dire, pire :
elle impose un prêt-à-parler qui devient un prêt-à-penser. Les mots impliquent une
grille de lecture du monde, ainsi il est bon d’en éradiquer certains, toxiques
- « nègre », « youpin », « bicot »,…Dites… Ne dites pas… De même
si l’on ne peut pas empêcher de confirmer dans tous nos discours que « le
masculin l’emporte sur le féminin », faudrait-il réformer la langue et dire :
« L’homme et la femme se sont assises. » ? Mais ce serait
alors une forme de sexisme inverse : « Le féminin l’emporte sur le masculin. » ! On peut plus
aisément changer les noms - la cheffe, l’écrivaine,
l’auteure,… -que la grammaire. Que faire alors ?
Le fond de l’affaire, ce n’est pas le
sexisme grammaticalement fondé, mais l’abêtissement économiquement programmé. Ainsi
la formule « Le masculin (M) l’emporte
sur le féminin (F). » est toxique et surtout fallacieuse. Elle relève
d’une simplification abusive sous la forme : M.+F.=M. Or la réalité est
tout autre :
-
M.+F.=N.,
autrement dit, le masculin est bivalent : masculin et neutre. Le neutre l’emporte
sur le féminin et le masculin !
-
Le
genre grammatical est distinct du genre génétique, lui-même distinct du genre
social. Ne dit-on pas : « le
vagin » et « la verge » ?
Le genre masculin grammatical n’a rien à voir avec le genre masculin bio-psycho-social !
Contre un pseudo-sexisme de la langue,
il faut enseigner l’esprit de finesse, la nuance et la complexité. Et contre le
fascisme de la langue, il faut opposer un anarchisme de l’usage. Mais celui-ci
suppose d’abord l’acquisition d’une norme standard, la langue commune à partir
de laquelle tout est possible, tout peut se dire ! La langue : un
lien qui libère.