samedi 22 mai 2021

Quel ami de la liberté êtes-vous ?

 


          Les restrictions de liberté qu’on nous impose au motif de la crise sanitaire nous pousse à expliciter notre rapport à la liberté. De quelle conception les restrictions imposées par le gouvernement relèvent-elles ? Symétriquement, au nom de laquelle doit-on s’y opposer ? Les amis de la liberté sont divisés sur l’appréciation de la politique sanitaire menée au nom du bien commun, et plus particulièrement sur l’instauration d’un passe sanitaire.

         Etant donné que notre régime politique est social-libéral, les restrictions de liberté ne sont légitimes qu’au vu de la gravité de la crise, et de la protection que nous attendons de l’Etat social. Cependant il est indéniable qu’il y a une dérive autoritaire dans la pérennisation de l’état d’urgence, la généralisation du contrôle et du traçage. Face à ce problème, les amis de la liberté sont divisés : les covidosceptiques, niant la gravité de la crise, s’opposent à quasiment toutes les restrictions, d’autres les acceptent comme une situation transitoire gérée tant bien que mal par l’Etat social, d’autres enfin reconnaissent que la crise rend nécessaire certaines restrictions, tout en dénonçant les abus - position plus difficile à tenir car plus complexe et nuancée : il est tellement plus simple d’être tout pour ou tout contre.

           Les amis de la liberté devraient s’accorder sur deux principes fondamentaux : l’opacité des individus et la transparence de l’Etat. Autrement dit, sauf en cas d’enquête policière, les données individuelles (santé, religion, engagements politiques ou associatifs, centres d’intérêt) doivent être secrètes, alors que l’action de l’Etat doit être aussi transparente que possible. Aussi l’instauration du passe sanitaire n’est pas une affaire triviale : les contraintes sanitaires, plus précisément le dépistage et le traçage, s’opposent frontalement au principe d’opacité. Mais ceux qui n’hésitent pas à qualifier de « totalitaire » l’Etat qui ose ainsi sacrifier le principe d’opacité, oublient que celui-ci a déjà été anéanti par le développement des réseaux sociaux et la généralisation des téléphones mobiles. Avec notre complicité joyeuse, les hyper structures de pouvoir que sont les GAFAM, pillent nos « données » - au sens propre : nous les leur donnons - et les vendent au plus offrant. Nous sommes donc tracés, surveillés, soumis à des techniques industrielles de manipulation et d’influence, sans aucune commune mesure avec celles, artisanales, qu’utilisaient les régimes totalitaires.

         Amis de la liberté, le totalitarisme n’est pas du côté de l’Etat social libéral, aussi imparfait soit-il, mais du capitalisme de surveillance qui échappe largement au champ politique traditionnel, et qui profite de la crise pour étendre son pouvoir déjà immense. Mal cibler l’ennemi, c’est lui donner des armes : les GAFAM agissent pour affaiblir les Etats, et nous leur prêtons main forte,… au nom de la liberté !