Les
restrictions de liberté qu’on nous impose au motif de la crise sanitaire nous
pousse à expliciter notre rapport à la liberté. De quelle conception les
restrictions imposées par le gouvernement relèvent-elles ? Symétriquement,
au nom de laquelle doit-on s’y opposer ? Les amis de la liberté sont
divisés sur l’appréciation de la politique sanitaire menée au nom du bien commun,
et plus particulièrement sur l’instauration d’un passe sanitaire.
Etant donné que notre régime politique
est social-libéral, les restrictions de liberté ne sont légitimes qu’au vu de
la gravité de la crise, et de la protection que nous attendons de l’Etat
social. Cependant il est indéniable qu’il y a une dérive autoritaire dans la
pérennisation de l’état d’urgence, la généralisation du contrôle et du traçage.
Face à ce problème, les amis de la liberté sont divisés : les covidosceptiques,
niant la gravité de la crise, s’opposent à quasiment toutes les restrictions, d’autres
les acceptent comme une situation transitoire gérée tant bien que mal par l’Etat
social, d’autres enfin reconnaissent que la crise rend nécessaire certaines restrictions,
tout en dénonçant les abus - position plus difficile à tenir car plus complexe
et nuancée : il est tellement plus simple d’être tout pour ou tout contre.
Les amis de la liberté devraient s’accorder
sur deux principes fondamentaux : l’opacité des individus et la transparence
de l’Etat. Autrement dit, sauf en cas d’enquête policière, les données
individuelles (santé, religion, engagements politiques ou associatifs, centres
d’intérêt) doivent être secrètes, alors que l’action de l’Etat doit être aussi
transparente que possible. Aussi l’instauration du passe sanitaire n’est pas
une affaire triviale : les contraintes sanitaires, plus précisément le
dépistage et le traçage, s’opposent frontalement au principe d’opacité. Mais
ceux qui n’hésitent pas à qualifier de « totalitaire » l’Etat qui ose
ainsi sacrifier le principe d’opacité, oublient que celui-ci a déjà été anéanti
par le développement des réseaux sociaux et la généralisation des téléphones
mobiles. Avec notre complicité joyeuse, les hyper structures de pouvoir que
sont les GAFAM, pillent nos « données » - au sens propre : nous
les leur donnons - et les vendent au plus offrant. Nous sommes donc tracés,
surveillés, soumis à des techniques industrielles de manipulation et d’influence,
sans aucune commune mesure avec celles, artisanales, qu’utilisaient les régimes
totalitaires.
Amis de la liberté, le totalitarisme n’est
pas du côté de l’Etat social libéral, aussi imparfait soit-il, mais du
capitalisme de surveillance qui échappe largement au champ politique traditionnel,
et qui profite de la crise pour étendre son pouvoir déjà immense. Mal cibler l’ennemi,
c’est lui donner des armes : les GAFAM agissent pour affaiblir les Etats,
et nous leur prêtons main forte,… au nom de la liberté !