Deux affaires récentes ont fait penser que les réseaux
sociaux mettaient gravement en péril la démocratie.
Acte 1 : Une jeune lycéenne provoque des
internautes musulmans qui réagissent tels des chiens de Pavlov. Rien de nouveau,
mais une ministre de la justice évoque une « atteinte à la liberté
de conscience ».
Acte 2 : Un jeune marquis macronien apprend à ses
dépends une variante de la loi de Gabor pour quiconque vise une position de
pouvoir : tout ce qui est publiable sera publié. Mais les bonnes
âmes évoquent une « atteinte grave à la démocratie ».
Il me semble que ce sont au contraire les réactions à
ces deux cas qui sont des symptômes extrêmement inquiétants. Pour l’affaire
Mila, le droit au blasphème est non négociable. Le respect est dû aux
personnes, non aux idées abstraites, aux idéologies ou aux croyances. Ainsi c’est
la réaction de la garde des sceaux qui relève d’une atteinte à la liberté d’expression,
pas la vulgarité crasse de Mila ou la bêtise de ceux qui sont tombés dans le
piège qu’elle leur a tendu, et qui vont se retrouver en correctionnelle pour appel
au meurtre.
Dans le cas Griveaux, deux éléments me semblent
évidents : il se met en scène sur une sex tape alors qu’il brigue les plus
hautes fonctions de l’Etat, on peut en conclure qu’il est stupide et totalement
ignorant du fonctionnement des réseaux sociaux. Par ailleurs, la sex tape fait
exploser l’image propre et lisse de bon mari et bon père de famille que Griveaux
vend à des électeurs pour lesquels il n’a donc aucun respect. Mettre ses
paroles et ses principes en accord avec sa vie, tel est le contrat implicite
des hommes et femmes publiques qui endossent des positions de pouvoir.
Ces deux affaires, et surtout l’unanimité contre les
excès de la liberté d’expression qui les accompagne, arrivent à point nommé :
une loi « contre les propos haineux sur internet » - dite « loi
Avia » - est en passe d’être adoptée qui donnera à l’Etat les moyens de
court-circuiter la justice pour mettre fin sur les réseaux sociaux à tout
propos « haineux ». On peut imaginer ce que le flou du vocable « haineux »
autorisera en matière de censure. Ce ne sont pas tant les réseaux sociaux qui
menacent la démocratie, mais plutôt l’Etat néo libéral qui menace la liberté d’expression.