vendredi 24 janvier 2020

Sommes-nous entrés dans l'ère de l'effondrement ?


Chaque époque a ses mots fétiches qui collent à l’air du temps, qui synthétisent les angoisses, les espérances collectives, des idées confuses en attente d’élucidation. Il en va ainsi aujourd’hui du mot « effondrement ». L’inflation récente de ses occurrences semble être une des manifestations immédiatement perceptible d’une idée largement partagée : nous vivons la fin d’une ère de prospérité et de confiance dans le progrès. Une discipline, la collapsologie, est même apparue pour étudier l’effondrement qui, de simple hypothèse, est devenu un objet d’étude, et petit à petit, pour certains, un fait établi : un double processus - écologique et civilisationnel – qui toucherait donc à la fois la nature et la culture, soit la totalité de notre monde. L’effondrement apparaît donc comme une version postmoderne de la fin du monde. Les paniques apocalyptiques sont vieilles comme le monde, mais l’idée d’effondrement, en tant qu’hypothèse, mérite d’être examinée.
L’effondrement écologique ne fait guère de doute : bouleversement climatique, fonte de la bio-diversité, épuisement des ressources naturelles, sont les stades avancés de l’entreprise moderne de destruction de la nature et de conversion totale des ressources terrestres en profits. Quant au second effondrement, celui de la société industrielle, il semble très probable, car la perpétuation de celle-ci implique la disponibilité à un faible coût de l’énergie et des matières premières, deux éléments sérieusement remis en question par le premier effondrement. Les énergies renouvelables sont encore loin d’offrir une alternative globale à l’énergie fossile, et le recyclage ne compensera pas, loin s’en faut, le gaspillage consumériste planétaire de la camelote jetable. Ainsi l’effondrement considéré dans ses deux dimensions n’est pas un pur fantasme, mais le prolongement à la limite d’une catastrophe qui a déjà commencé.
Toutes les civilisations ont connu une expansion, une apogée, un déclin et un effondrement, alors pourquoi la nôtre ferait-elle exception à cette règle générale ? Selon cette hypothèse, un changement radical du mode de vie occidental indissociable de la techno-industrie serait inéluctable à court terme. Faut-il s’y préparer ? Faut-il l’ignorer en s’achetant une bonne conscience écolo à peu de frais ? Comment penser l’impensable : la fin brutale et imminente de notre civilisation techno-industrielle ?
Deux scenarii diamétralement opposés : le chaos du chacun pour soi, la guerre de tous contre tous, ou un ordre pacifique de communautés humaines vivant à l’échelle locale, en démocratie directe. Selon cette version irénique, l’effondrement ne serait pas la fin du monde mais celle d’un monde, celui de la techno-industrie, des méga-systèmes de pouvoir, du règne de la marchandise et de l’aliénation économique. Une utopie libertaire réalisée ?… Imagine all the people !