Les Civilisations sont des formes historiques complexes qui évoluent vers
une apogée avant de décliner, disparaître et laisser place à d’autres Civilisations.
L’Histoire humaine est scandée par la vie et la disparition de ces entités. La
fin d’une Civilisation est multifactorielle, mais on peut relever trois causes
principales : un effondrement de ses ressources matérielles, un affaissement
des institutions d’autorité qui la structurent et la font perdurer, une guerre
d’anéantissement par une Civilisation plus puissante.
Il faut distinguer la Civilisation comme forme historique évolutive et la
civilisation* comme processus dynamique universel : l’intégration individuelle
et sociale des différentes formes de la civilité. C’est ce sens qui est visé
par M. Macron quand il dénonce « un processus
de décivilisation » en réaction à la violence de trois faits divers
récents : l’attentat contre un maire, le meurtre d’une infirmière et
l’accident où trois jeunes policiers ont trouvé la mort. Le premier a été
fomenté par un groupe d’extrême droite, le second est l’acte d’un psychotique,
le troisième est un accident de la route causé par l’alcool et la drogue. L’extrême
hétérogénéité de ces trois évènements dramatiques témoigne immédiatement du
flou de l’expression « décivilisation ».
Par ailleurs celle-ci renvoie à deux sources totalement antinomiques :
Norbert Elias, un des plus grands sociologues du XXème siècle, et Renaud Camus,
un écrivain ouvertement raciste et antisémite. Pour Elias, depuis la Civilisation
médiévale, il y a un processus de
civilisation* par la pacification progressive des mœurs, l’adoption de
normes – politesse, bonnes manières - qui disqualifient peu à peu l’usage de la
violence. Ce processus peut s’interrompre, voire régresser, comme Elias l’analyse
dans son pays d’origine – cf son dernier ouvrage Les Allemands paru en 1989. Pour le second il y a actuellement en
Occident un processus de décivilisation
– titre de son ouvrage paru en 2011 - dont la cause serait le « grand remplacement » des
populations européennes autochtones par des groupes étrangers, inassimilables,
dont la culture et la religion visent l’anéantissement de la Civilisation
chrétienne.
La
« décivilisation » évoquée
par M. Macron est une formule ambiguë car on ne sait pas a priori à quel
concept elle renvoie. Elias est peu connu en dehors des cercles érudits, Camus
l’est un peu plus, et surtout ses thèses ont été banalisées et largement
diffusées par Eric Zemmour adoubé par Vincent Bolloré et son empire médiatique.
Alors je rejoins ceux qui pensent que M. Macron s’adresse en fait aux xénophobes
et aux racistes : ce qui menace
notre Civilisation, ce n’est ni l’effondrement écologique ni l’effritement des
institutions de service public, c’est le « grand remplacement » avatar fantasmatique des invasions
barbares.
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