dimanche 18 novembre 2018

De quoi les gilets jaunes sont-ils le signe ?


Le mouvement des « gilets jaunes » est saturé de symboles, de dualités contradictoires, de clivages et de ruptures :
Le gilet jaune symbolise d’abord une contrainte réglementaire du code de la route dans une situation de danger. Ainsi ce choix emblématique renvoie immédiatement à la confrontation entre la sphère de la vie matérielle, la vulnérabilité du vivant, et la sphère de la rationalité administrative. Transposé dans le cas présent : un péril macrocosmique, le dérèglement climatique, et une réponse réglementaire.
Par ailleurs, au cœur du conflit, il y a l’essence c’est-à-dire l’essentiel, ce à quoi il ne faut pas toucher. En l’occurrence, il y a conflit entre deux valeurs cardinales : la préservation de la biosphère, ou celle de l’automobile, envisagée comme condition nécessaire de l’autonomie individuelle, la liberté de déplacement, mais aussi comme une servitude, sans alternative, du fait de l’éloignement entre les lieux de vie et les lieux de travail et d’approvisionnement.
            Le mouvement des gilets jaunes, c’est aussi et surtout deux logiques diamétralement opposées. D’une part, celle, technocratique, de la haute administration qui a intronisé M. Macron Monarque républicain, et qui tient de fait les rênes du pouvoir. C’est la froide rationalité calculatrice : un peu de taxes par ici, un petit chèque de compensation par là, un zeste de pédagogie pour faire avaler la pilule, et hop, le problème est réglé. D’autre part, celle, existentielle, de ceux qui rament pour joindre les deux bouts, qui subissent l’ubris fiscale des taxes qui s’accumulent, et qui ont l’impression de plus en plus tenace que l’effort fiscal, quelle qu’en soit la finalité, n’est pas équitablement réparti.
            Les gilets jaunes symbolisent enfin les clivages qui fissurent notre société : clivage entre Paris et la province, les zones rurales ou périurbaines et les grandes métropoles, les élites surdiplômées, compétitives, et les classes laborieuses exposées aux alea de la machine économique, les bobos parisiens et les ploucs, les Deschiens, juste bons pour être sondés en période électorale.
Il y a une longue histoire française de révoltes fiscales, qui, des jacqueries paysannes jusqu’à la Révolution française, ont ébranlé un pouvoir central perçu comme lointain, arbitraire, inique. Jeu de mot éclairant : les « Gilles et John ». Les Gilles, ce sont les niais de la comédie burlesque, les idiots du village gaulois, John c’est le roi polyglotte, high-tech, cosmopolite, urbain, émancipé de l’assignation à un territoire ou une identité. Les gilets jaunes sont le signe précurseur d’une défiance profonde vis-à-vis de la classe politique : M. Macron a été élu sur une base électorale de moins de 17% du corps politique, complétée par ceux qui ont voté contre Mme Lepen. « En même temps » un mouvement profond de rejet des élites politico-administratives en place a produit les Trump, Bolsonaro, Salvini et autre Orban. Le rejet du populisme nationaliste ou le rejet des élites mondialisées ? Rendez-vous dans trois ans pour cette gigantomachie politique.