Le séisme Weinstein n’en a pas fini de produire ses
effets. Il a fait remonter une couche profonde de notre réalité, jusqu’à
présent cachée : la guerre des sexes. Selon Caroline de Haas, porte-voix du
néo-féminisme, une femme sur deux aurait été victime d’un viol, d’un
harcèlement ou d’une agression. Fait statistique brut, brutal, à la louche,
dont elle déduit qu’« un homme sur
deux ou sur trois est un agresseur »*. Poussons cette « logique infaillible » à son
terme : pour « un homme sur
deux ou trois » qui serait passé à l’acte, il y en aurait bien plus
qui n’auraient pas osé le faire, des porcs timorés en somme. De ce point de vue,
le champ du désir apparaît comme le champ de bataille d’une guerre des sexes
initiée, alimentée et dominée par les mâles. Grâce à M. Weinstein, la réalité
est enfin dévoilée : L’homme est un porc pour la femme. Variation du fameux
L’homme est un loup pour l’homme principe
d’une très ancienne anthropologie pessimiste dont Hobbes déduisit l’absolue
nécessité d’un pouvoir ultra coercitif, le Léviathan : « Aussi longtemps que les hommes vivent sans
un pouvoir commun qui le tiennent tous en respect, ils sont dans cette
condition qui se nomme guerre, et cette guerre est guerre de chacun contre
chacun. », plus précisément ici de
chacun contre chacune. Ainsi seule la peur du Léviathan peut inhiber l’agressivité naturelle de l’homme-loup pour
l’homme, et de l’homme-porc pour la femme.
Curieusement
c’est le même principe qui gouverne une idéologie qui semble a priori aux
antipodes du néo-féminisme : le fondamentalisme musulman. Les femmes
doivent se voiler le visage, baisser les yeux et cacher leur corps car les
hommes sont des porcs qui interpréteraient tout manquement à ces règles pour
une provocation sexuelle. Ainsi à partir du même diagnostic sur la nature
porcine des mâles humains, deux remèdes opposés : le contrôle les femmes
pour le fondamentalisme musulman, le contrôle des hommes pour le néo-féminisme.
Mais le fondamentalisme me semble plus cohérent dans son anthropologie
négative : les femmes ne sont pas moins perverses que les hommes, hommes
et femmes sont des porcs et des truies, que seule la Charia-Léviathan peut tenir en respect. Pour les
néo-féministes, les femmes ne sont que victimes et jamais – ou si peu –
perverses, allumeuses, affabulatrices. Il semblerait alors qu’hommes et femmes
sont comme deux espèces distinctes, la première ayant asservi la seconde. Pour
les néo-féministes, l’Etat des mâles étant « complice d’un crime de masse », la pacification de la guerre
des sexes attend encore son Léviathan.
En l’attendant, on a les réseaux sociaux.
*https://www.nouvelobs.com/societe/20180214.OBS2173/caroline-de-haas-un-homme-sur-deux-ou-trois-est-un-agresseur.html