Au fondement
de l’Etat moderne, il y a la volonté de concilier deux principes : assurer
aux individus à la fois un maximum de liberté et un maximum de sécurité. Or ces
deux principes sont essentiellement antagonistes : la liberté apporte l’émancipation
au prix du risque et de l’incertitude, la sécurité apporte la tranquillité au
prix de l’aliénation. Face à cet antagonisme, la tendance naturelle des Etats est
toujours de maximiser la sécurité au détriment des libertés, la loi qui
pénalise les clients des prostitué(e)s en apporte un nouvel exemple.
Principe de
liberté : l’Etat n’a pas à s’immiscer
dans les relations privées – et notamment sexuelles - entre adultes
consentants.
Principe de
sécurité : l’Etat doit protéger les
individus contre les violences qu’ils subissent.
Dans le cas de
la prostitution, il apparaît clairement que l’antagonisme entre ces principes est
maximal. Par ailleurs, la prostitution « libre » n’étant qu’une
partie marginale du phénomène global, ceux qui revendiquent haut et fort la
liberté de se prostituer, apparaissent au mieux comme des idéalistes qui vivent
dans un monde abstrait… ou au pire comme des « salauds » - cf le lien
- qui cautionnent la violence faite à l’écrasante majorité des prostitué(e)s. On
pourrait alors en conclure que dans ce cas précis, la sécurité devrait
prévaloir à bon droit sur la liberté. Certes, mais avant de juger, il y aurait un
autre élément à prendre en compte : cette loi est clairement un aveu d’impuissance
de l’Etat face aux réseaux mafieux, et il est plus que probable qu’elle limitera
la liberté… sans améliorer aucunement la sécurité des prostitué(e)s.
L’histoire nous
apprend une chose : l’efficacité de la lutte contre les mafias est
efficace à une seule condition, attaquer là où ça fait mal… au portefeuille –
comme l’expérience italienne l’a démontré -, outre la prison, la confiscation
totale de l’intégralité du patrimoine des mafieux… C’est la seule peine qui
puisse les faire reculer. Mais il faudrait une volonté politique forte pour adopter
une mesure aussi directement attentatoire à la sainte propriété privée…
Bref une fois
de plus, on sacrifie la liberté au nom de la sécurité, sur l’autel de la
propriété.