Un proverbe portugais dit ceci : « Nos malheurs
entrent toujours par une porte que nous ouvrons. ». Ainsi le bon sens populaire
accrédite l’idée que nous aurions toujours une part de responsabilité dans ce
qui nous arrive. La responsabilité est une notion bifide, elle consiste à
assumer les conséquences de nos actes, mais aussi à faire face aux exigences de
l'évènement qui nous touche. La dichotomie stricte entre ce que nous faisons et
ce qui nous arrive étant ainsi dissoute, la responsabilité apparaît comme la
condition même de notre liberté, contre l’idée mortifère d’une nécessite
écrasante ou d’un destin inéluctable dont nous ne serions que les jouets
impuissants. La responsabilité est une avant tout notion morale, et non
causale, il faut donc la distinguer radicalement de la culpabilité ou de l’imputabilité.
Les attentats du 13 novembre mettent cette idée
abstraite à l'épreuve de la réalité. Qui fut visé ? Nous tous, nous le peuple
français, sans distinction de race, de classe ou de religion. En quel sens
serions-nous « responsables » de ce qui nous arrive ? Question a
priori choquante, mais qui me semble à moi pleine de sens, car si nous sommes
en démocratie, donnant tout son sens à ce terme, nous sommes en dernière
instance les auteurs des politiques menées en notre nom. Or qui pourrait
affirmer avec certitude que l’évènement qui nous « tombe dessus » n’a
aucun lien avec les frappes aériennes en zone habitée, les meurtres ciblés, les
"dommages collatéraux", le soutien et les ventes d'armes à des
régimes corrompus ou anti-démocratiques, toutes ces politiques menées en notre
nom ? Nous en sommes les auteurs, donc collectivement responsables, au
premier sens de la responsabilité, qui n'évacue aucunement celle des fanatiques
totalement et inexcusablement coupables d'un acte inhumain, contraire à toute
morale, comme à toute religion digne de ce nom.
Notre responsabilité est également engagée en son
deuxième sens, répondre aux exigences de l'évènement. En ce sens, il faut avoir
conscience qu'au-delà du peuple français, c'est la démocratie qui est visée. Or
les signes sont nombreux d'un effondrement démocratique, et de la résistible
montée en puissance d'un régime autoritaire que près de 40% des français
appelaient déjà de leurs vœux avant même la dernière vague d’attentats (cf. le
lien). Notre responsabilité est donc doublement engagée, elle exige une
régénération urgente de la démocratie, pour que nous soyons enfin pleinement et
sans doute possible les auteurs des politiques menées en notre nom.