Connaître et comprendre sont deux facultés de l’esprit
qui semblent a priori inextricablement liés : peut-on dire qu’on connaît quelqu’un si on ne le comprend pas, et inversement peut-on
dire qu’on le comprend si on ne le connaît pas ? Mais dès lors qu’il
s’agit de saisir la complexité d’une chose, d’une personne ou d’une situation,
ces deux gestes mentaux semblent s’opposer. Connaître
implique d’entrer dans la complexité, au risque de s’y perdre, alors que pour comprendre l’esprit a besoin de réduire
cette complexité, pour trouver la lumière. Plus on creuse, plus on s’enfonce,
moins on y voit clair ! Par ailleurs, la nécessité de survivre a
privilégié chez l’humain la compréhension instantanée, à la connaissance qui
demande des efforts et du temps. Ainsi notre besoin de comprendre est existentiel alors que notre désir de connaître est facultatif.
L’avènement des médias électroniques, connectés et instantanés, a
amplifié cette opposition. Alors que la recherche de connaissance exige une
enquête longue, fastidieuse, dont l’issue est toujours incertaine - plus on en
sait, plus on prend conscience de l’étendue de notre ignorance -, notre besoin
de compréhension du monde est sans cesse satisfait par des algorithmes qui confirment
nos préjugés. Ce besoin s’appuie sur deux outils cognitifs de
simplification : la généralisation et la dichotomie. Par la première nous
ramenons le particulier au général : « les … sont… » (au
choix : les femmes, les arabes, les musulmans, les palestiniens ou les
juifs,…). Par la seconde nous ramenons tout au partage entre le bien et le mal,
les gentils et les méchants, les dominants et les dominés, les oppresseurs et
les opprimés.
Ainsi, le Hamas est assimilé à la cause palestinienne, alors même que tout
prouve qu’il n’en a rien à faire, et le gouvernement israélien actuel est vu
comme le bras armé des juifs du monde entier, alors qu’il n’est soutenu que par
une minorité d’entre eux. Cette confusion a été portée à son paroxysme dans
certaines universités états-uniennes où des appels au génocide des juifs ont
été tolérés au nom de la sacro-sainte liberté d’expression. Au prétexte de la
résistance contre un Etat par nature « colonisateur », donc
intrinsèquement mauvais, il est légitime de soutenir une organisation fasciste
coupable de viols, de tortures, de mutilations et d’enlèvements ; les
ennemis de mes ennemis sont mes amis.
Combien de ceux qui « comprennent » la situation en
Israël-Palestine, ont fait l’effort de se plonger sérieusement dans la longue
Histoire de la création d’Israël, des guerres visant à l’empêcher, des
occasions de paix ratées, des organisations ayant intérêt à entretenir le
conflit. Le nombre de ceux qui comprennent
est tellement supérieur au nombre de ceux qui cherchent à connaître.
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