Nous sommes « fascinés
et, pour ainsi dire, ensorcelés par le seul nom d'un. » Cette maxime de la Boétie dans La
servitude volontaire convient parfaitement à un régime politique où un
monarque républicain, à la fois chef du gouvernement et de la majorité
parlementaire, règne sur un système de pouvoir pyramidal et hyper centralisé. Ainsi
en est-il en France où le nom d’un, d’un seul, sature l’imaginaire
politique des citoyens, et encore davantage quand des circonstances pandémiques
entraînent le régime vers une pente naturelle potentiellement irréversible :
la dérive autoritaire, et l’explosion des inégalités. La première substitue le
primat de la restriction à celui de la liberté, et banalise le traçage de tous
nos faits et gestes. La seconde est lourde de menaces pour l’idée même de
démocratie.
Cette
fascination pour le « seul nom d’un »
s’exacerbe à l’approche du prochain sacre présidentiel ; les aspirants
monarques commencent les grandes manœuvres de séduction de leur tranche
d’électorat, dans la dramatisation désormais habituelle d’un deuxième tour qui
verra probablement s’affronter le prince du néolibéralisme face à la comtesse
du nationalisme. Selon la chronique de leur déroute annoncée, les vicomtes et
autres nobliaux, chefs de partis, joueront la figuration, scénario prévisible,
dans la mesure où notre système, obnubilé par le nom d’un seul, sélectionne des petits seigneurs aux egos tellement
démesurés qu’ils interdisent toute coalition sous la bannière de « la
gauche » ou de « la droite ».
Il y a deux voies de sortie de ce
système : une crise grave qui provoquerait un changement brutal de système,
ou une présidence qui aurait pour objectif principal…. une déprésidentalisation. Craignons la
première car les issues des crises graves sont rarement réjouissantes, alors
agissons pour la seconde en soutenant un(e) candidat(e) dont le programme consisterait
à déprésidentialiser, par le haut en convoquant une Constituante, ou par le bas
en remettant la délibération au cœur du jeu politique, en laissant le parlement
désigner un gouvernement pluriel en charge de conduire une politique souhaitée
par une majorité de citoyens, qui voteraient dès lors pour des idées, des
programmes, et non pour éliminer un épouvantail en donnant les pleins pouvoirs
à « un seul ». Encore faut-il pour cela déprésidentialiser nos
esprits.