samedi 20 mars 2021

Comment déprésidentialiser nos esprits ?

 

          Nous sommes « fascinés et, pour ainsi dire, ensorcelés par le seul nom d'un. » Cette maxime de la Boétie dans La servitude volontaire convient parfaitement à un régime politique où un monarque républicain, à la fois chef du gouvernement et de la majorité parlementaire, règne sur un système de pouvoir pyramidal et hyper centralisé. Ainsi en est-il en France où le nom d’un, d’un seul, sature l’imaginaire politique des citoyens, et encore davantage quand des circonstances pandémiques entraînent le régime vers une pente naturelle potentiellement irréversible : la dérive autoritaire, et l’explosion des inégalités. La première substitue le primat de la restriction à celui de la liberté, et banalise le traçage de tous nos faits et gestes. La seconde est lourde de menaces pour l’idée même de démocratie.

         Cette fascination pour le « seul nom d’un » s’exacerbe à l’approche du prochain sacre présidentiel ; les aspirants monarques commencent les grandes manœuvres de séduction de leur tranche d’électorat, dans la dramatisation désormais habituelle d’un deuxième tour qui verra probablement s’affronter le prince du néolibéralisme face à la comtesse du nationalisme. Selon la chronique de leur déroute annoncée, les vicomtes et autres nobliaux, chefs de partis, joueront la figuration, scénario prévisible, dans la mesure où notre système, obnubilé par le nom d’un seul, sélectionne des petits seigneurs aux egos tellement démesurés qu’ils interdisent toute coalition sous la bannière de « la gauche » ou de « la droite ».

           Il y a deux voies de sortie de ce système : une crise grave qui provoquerait un changement brutal de système, ou une présidence qui aurait pour objectif principal….  une déprésidentalisation. Craignons la première car les issues des crises graves sont rarement réjouissantes, alors agissons pour la seconde en soutenant un(e) candidat(e) dont le programme consisterait à déprésidentialiser, par le haut en convoquant une Constituante, ou par le bas en remettant la délibération au cœur du jeu politique, en laissant le parlement désigner un gouvernement pluriel en charge de conduire une politique souhaitée par une majorité de citoyens, qui voteraient dès lors pour des idées, des programmes, et non pour éliminer un épouvantail en donnant les pleins pouvoirs à « un seul ». Encore faut-il pour cela déprésidentialiser nos esprits.