Quels sont les chantiers qui nous attendent pour
après ? Je pense qu’il faut que nous soyons le plus nombreux possible à
penser le plus possible à l’après, collectivement et individuellement. Je vois
pour ma part cinq chantiers : Revitaliser notre démocratie, Démocratiser la science, Valoriser ce qui a
de la valeur, Relativiser notre relativisme, Soigner notre viralité.
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Revitaliser notre démocratie atteinte par
une pathologie politique : la dictature virocratique. Le traitement
de fond devra faire l’objet d’un grand débat national, mais il faut d’abord exiger
que nos dirigeants rendent des comptes sur la façon dont ils ont géré la crise.
Dans d’autres démocraties, on trouve normal et salutaire que l’exécutif vienne
rendre des comptes devant le parlement, et soit soumis à son jugement, pas chez
nous. Dans notre monarchie républicaine, le président-roi ne rend jamais de
compte, tout au plus lors de la prochaine échéance électorale, mais les projets
pour le nouveau quinquennat occupent bien plus les esprits que les comptes à
rendre sur le précédent. Le parlement n’est qu’une chambre d’enregistrement de
décisions déjà prises, et l’opposition ne joue qu’un rôle mineur de figuration.
Il faudra un procès pour que le compte soit fait des erreurs, mensonges,
dissimulations, qui ont servi de justification à la dictature sanitaire. Premier
chantier : régénérer notre démocratie.
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Valoriser ce qui a de la valeur. Nous avons
réalisé collectivement à quel point certains métiers sont essentiels, soit
parce qu’ils ont été en première ligne – soignants, aides-soignants, auxiliaires
de vie, métiers de l’alimentation et de l’information… – soit parce qu’ils nous
ont cruellement manqué – les métiers de la culture, de l’enseignement…. D’autres
sont apparus soudain sous un autre jour : neutres ou superflus. Or l’échelle
des rémunérations des fonctions est souvent inversement proportionnelle à leur utilité
sociale. Deuxième chantier : remettre à plat les échelles de rémunération,
métier par métier.
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Démocratiser la science. Profitant de
la faiblesse de la culture scientifique, la dictature virocratique a instrumentalisé
la science à travers un « Conseil scientifique », voix officielle
univoque qui a justifié le principe calamiteux du TINA – There Is No
Alternative. Or il y a toujours eu différentes options pour faire face à l’épidémie.
La science n’est pas le lieu des certitudes inébranlables, mais celui du doute
systématique, de la critique par les pairs. Une « étude » - mot
fétiche des médias - ne dit jamais la Vérité, elle ne fait qu’apporter une
pierre à un édifice en cours de construction, et la qualité de ses résultats doit
toujours être située sur une échelle de valeur qui va de « très faible »
à « très fort ». Tout citoyen doit apprendre à estimer cette valeur, son
indice de confiance. Troisième chantier : extraire la science des cercles
d’initiés pour la placer au centre de l’espace public, au cœur de notre culture
commune.
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Relativiser notre relativisme. En
démocratie, l’information est une denrée essentielle. Or nous réalisons mieux
en ces temps troublés qu’elle est aussi un marché soumis aux lois de la
communication, de la notoriété, du spectacle, de la rentabilité. Face aux semeurs
de doute professionnels qui ont un intérêt à décrédibiliser toute autre pensée
que la leur, qui sont passés maîtres dans l’art de mélanger le vrai et le faux,
il nous faut apprendre à passer l’information au filtre de la raison, à définir
ce qu’est une source fiable, à distinguer un fait établi - comment et par qui ?
– et l’interprétation du même fait – comment et par qui ?. Cette période d’inflation
informationnelle doit aussi servir à prendre conscience de notre tendance
spontanée à sélectionner les informations qui disent ce que nous « savons »
déjà, qui confirment nos préjugés. Quatrième chantier : apprendre à
filtrer l’information et à opérer l’esprit critique d’abord contre nous-mêmes.
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Prendre conscience de la nature virale de l’être humain. Un virus est un agent infectieux qui a besoin d’un
hôte vivant pour se reproduire. L’analogie est saisissante : l’homme est
un virus qui ne peut prospérer qu’en parasitant la biosphère, qui à son tour se
défend de façon vaccinale en nous injectant des Contre-virus – des Co-Vi. Le
paradoxe du virus pathogène c’est qu’il tue l’hôte nécessaire à sa survie. Ce
paradoxe se dissout si on réalise que le virus n’est rien en tant qu’individu,
sa seule fonction est de coloniser de nouveaux hôtes pour que son espèce se
perpétue. Nous n’avons pas d’autre biosphère à coloniser, alors sa fin sera
aussi la nôtre. Dernier chantier : soigner notre propre nature virale.