A
la faveur de la pandémie, sans changer de constitution, nous avons changé de
régime politique : la liberté est devenue l’exception, la restriction la
règle. Ce basculement s’est produit sous nos yeux, en direct live, sans coup
d’Etat.
Cette dérive était déjà en germe bien
avant la pandémie, mais légitimée par l’urgence sanitaire, elle s’est si bien
installée dans les corps et les esprits qu’on peut douter d’un retour en
arrière post-covid. Le provisoire devenant permanent, nous vivons dorénavant en
Pandémie, un nouveau régime
politique. En sortirons-nous ?
Les raisons d’en douter sont
nombreuses. En effet la fin de la crise sanitaire est comme l’horizon, plus on
s’en approche, plus elle s’éloigne. Et la certitude que d’autres suivront,
légitimera des mesures de précaution préventives proches de celles mises en
place actuellement : généralisation du télétravail, du téléenseignement,
de la télémédecine ambulatoire, dépistage, traçage, isolement, surveillance et signalement
des comportements déviants, limitation de la liberté de circuler, de passer les
frontières, de se rassembler sans autorisation préalable, l’atomisation des
rapports sociaux – au travail, à l’université notamment – la généralisation de
la télésurveillance, la criminalisation de la contestation de l’ordre établi,
la prééminence de la technocratie sur la démocratie. Par ailleurs le risque
pandémique dorénavant permanent, s’ajoute à d’autres risques majeurs : le
changement climatique désormais inéluctable, l’aggravation et l’extension de la
précarité sociale et économique, l’accentuation de la défiance réciproque entre
l’Etat et le peuple, proche du point de rupture.
Le pire n’est jamais certain, mais la lucidité impose de prendre au
sérieux l’hypothèse d’une pérennisation d’un Etat à la fois néolibéral et
autoritaire, dont le futur idéal serait l’Etat chinois. Cette combinaison
paradoxale de libéralisme et de technocratie s’appuie sur deux principes :
1) en période de crise les régimes autoritaires semblent beaucoup plus
efficaces que les démocraties ; 2) du point de vue de l’Etat, la
population est vue comme une masse d’individus égoïstes et irrationnels, des
mineurs incapables de s’associer librement de façon autonome pour réfléchir et
agir efficacement sur ce qui les concerne collectivement. Il faut donc nécessairement
un gouvernement d’experts pour gérer les risques collectifs, un Etat qui centralise,
standardise, normalise, rationnalise.
La liberté devient l’exception, la
restriction la règle. Cette pente est résistible. Amis de la liberté,
mobilisons-nous.