jeudi 30 octobre 2025

C'est quand qu'on bifurque ?

 

La COP30 va se réunir dans quelques jours à Belem au Brésil. Qui en parle ? On s’en fout… peut-être parce ce qu’on réalise que les 29 COP précédentes n'ont aucunement freiné "L'emballement, c'est-à-dire l'accélération irréversiblement incontrôlable de phénomènes interdépendants aux conséquences monstrueuses" (Edgar Morin) Comment anticiper ce qui arrive, ce qui nous arrive, ce vers quoi on arrive ? Comment bifurquer ?

Le sentiment diffus d'impuissance désabusée vient peut-être de notre tendance archaïque à attendre un salut d'en-haut. Mais où sont-ils les hommes ou les femmes d’Etat, les leaders providentiels, qui auraient une vision à long terme ? Connaissez-vous en France un parti qui ait le début d’un programme à l'horizon 2040 ? Moi pas, enfin à part le RN pour qui tous les problèmes se résument en un seul mot : immigration.

On nous vend une "transition écologique" faite d'autos et de vélos électriques, de nourriture bio et de panneaux solaires, quelques technologies pour préserver notre mode de vie consumériste techno-industriel qui détruit la nature et asservit les individus. Nos petits gestes individuels semblent tellement dérisoires. Nous en sommes conscients mais que faire quand l'échelle planétaire nous écrase, et quand l'échelle nationale nous décourage ?

D’abord réaliser qu’entre le niveau mondial, continental, national et le niveau individuel, il y a d'autres paliers : le niveau associatif et local. Chaque niveau à son intérêt et ses limites, il faut les penser ensemble, et savoir où l’on peut agir, distinguer ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas. Entre le grand Nous, national ou international, et le petit moi isolé, il y a un petit nous, fait d’individus reliés, un "inter-nous".

L’inter-nous brise l'isolement et le sentiment d’impuissance qui en découle, il permet le partage d'expériences, de sources, de savoirs. Il permet aussi le dialogue et le questionnement mutuel. Il encourage les actions, chacun stimulant les autres qui, à leur tour, stimulent chacun.  

C'est quand qu'on bifurque… pour aller où ?

jeudi 9 octobre 2025

La 5ème République a-t-elle déraillé ?

 

Comme la grenouille de la fable dans un récipient d’eau chauffée progressivement jusqu’à l’ébullition, nous ne réagissons pas face à l’effondrement de l'État réduit peu à peu à sa base profonde : les fonctionnaires et les élus locaux. Parallèlement, la défiance envers les institutions et le « personnel politique » semble avoir atteint un point de non-retour. Le déraillement est complet :

-       1er wagon : des partis sans adhérents, coachés par des conseillers en marketing politique. Clubs d'élus associés pour persévérer dans leur être, conserver ou capter des postes, les partis ne sont plus au fond que des coquilles vides, des logos, des marques qui vendent des idées simples et pures, immunisées contre tout compromis.

-       2ème wagon : les assemblées qui ont perdu leur principale raison d'être, la délibération en vue du bien commun. Théâtres de faux-semblants, de postures, d'invectives, chaque parti y joue un jeu solitaire, prétendant être le seul à représenter « Les Français », peuple abstrait de sa diversité culturelle et sociale.

-       3ème wagon : un gouvernement de ministres zombis morts-vivants, démissionnaires toujours en postes.

-       4ème wagon : un président, véritable monarque républicain qui semble n'avoir de comptes à rendre à personne, droit dans ses bottes au milieu du désastre qu'il a lui-même provoqué. 

-       La locomotive : la défiance entre les citoyens est arrivée à un paroxysme depuis l'épidémie de Covid et le 7 octobre 2023. Provax contre antivax, propal contre "sionistes", riches contre les autres, français contre étrangers. La haine entre groupes, boostée par les algorithmes des réseaux antisociaux, ébranlent l'idée-même de destin commun. Les adversaires à combattre sont devenus des ennemis à abattre.

Le niveau zéro de la démocratie est atteint quand le langage politique tourne à vide, une simple rhétorique réduite à des « éléments de langage », déconnectée de la réalité, quand elle n’est pas ouvertement mensongère. Dans ce contexte crépusculaire, le prochain scrutin n'aura qu'une seule fonction : permette au train de continuer à rouler, même hors des rails.

Comment régénérer notre démocratie ? Comment sortir par le haut d’une 5ème République qui tourne à vide ? Comment éviter le passage par la case Le Pen ?

 

jeudi 25 septembre 2025

Vivons-nous désormais dans une dystopie cyber punk ?


La dystopie est un genre de fiction qui explore les dérives potentielles oppressives, totalitaires, déshumanisantes de la société moderne (1984, ou Le meilleur des mondes). Le genre cyberpunk fonde ces dérives sur une technologie débridée, contrôlée par des corporations planétaires hyperpuissantes (la série Black mirror, Blade runner, Matrix…).

Vivons-nous en direct live un basculement de la réalité vers une dystopie cyber punk ? Il est permis de le penser :1) une poignée de multimilliardaires contrôlent les technologies dont nous sommes désormais totalement dépendants ; 2) Un Leviathan techno-autoritaire doublement bicéphale domine le monde, d’une part la Chine et les Etats-Unis, d’autre part la Big Tech alliée au Big State.

Dans cet Empire la liberté d’expression n’est pas limitée, elle est au contraire à la fois massifiée et rendue inoffensive par un raz de marée informationnel, une saturation cognitive des individus sur-connectés. Le contrôle des esprits ne se fait plus par une propagande de masse, mais par l’abrutissement généralisé des individus sur des réseaux sociaux débilitants, guidés par des algorithmes de ciblage, déshumanisés par des IA génératives, stimulés à flux tendu par des influenceurs / euses stipendiés.

Que faire ? D'abord être lucide sur la situation : ce qui a été inventé ne sera pas désinventé, nous vivrons désormais avec les technologies qui rendent possible la dérive totalitaire. Elles sont la contrepartie matérielle d’un choix de société promu par une idéologie ambivalente, à la fois hyper-réactionnaire, voire néofasciste, et hypermoderne, combinant une injonction d’adaptation au progrès technologique à marche forcée, avec une obsession paranoïaque de surveillance généralisée.

Deux points cruciaux :

-       Face au dérèglement climatique essentiellement causé par la surconsommation, l'idée de transition énergétique est un leurre technosolutionniste instrumentalisé pour continuer à surproduire et surconsommer, détruire la nature, rentabiliser l'intégralité des ressources disponibles, au nom d’une promesse fallacieuse de diminution de l’empreinte carbone.

-       La course effrénée à l’augmentation des capacités de nos prothèses numériques (I.A., smartphones, tablettes, ordis,…) au nom du « progrès » et de l’amusement généralisé, est en fait le levier de notre servitude volontaire, et le booster de la surconsommation / surproduction.

 

Où est la force politique pour porter la seule idée vraiment disruptive : la bifurcation vers une société de sobriété ?


 


dimanche 17 août 2025

Génocide, le nouveau point Godwin ?

 

L’horreur absolue des images et des témoignages venant de Gaza a désormais un nom, et un seul : « génocide ». Ce mot, nous sommes tous sommés de l’endosser, tout particulièrement les juifs. Comme le point Godwin - la référence au nazisme vers laquelle semble tendre toute discussion sensible –, ce mot met un terme à toute interrogation sur ce qui se joue au Moyen Orient. Une fois ce point atteint, la discussion est close, le mal absolu a désormais un nouveau nom, après Hitler : Israël. 

Il n’est pas ici question de nier l’abomination subie par les civils gazaouis, mais de questionner l’utilisation mimétique du mot "génocide", sans questionner son instrumentation par ceux qui, sous couvert d’antisionisme, nient le droit à l'existence d'Israël, qui considèrent le Hamas, non comme un parti islamo-fasciste, mais comme une organisation de libération, ou qui jouent sur l'ambiguïté du terme "sionisme" pour masquer leur antisémitisme. 

Un minimum d’honnêteté intellectuelle consisterait à reconnaître que la libération des otages est la clé qui pourrait changer le cours des choses, mais que le Hamas rejette obstinément cette option.

            Un minimum d’honnêteté intellectuelle consisterait à reconnaître que si le gouvernement israélien d’extrême droite met en œuvre à Gaza une punition collective abominablement cruelle et sanglante, le Hamas l’a délibérément provoquée, choisissant le sacrifice de son peuple avec un seul objectif : faire d’Israël un Etat paria universellement honni, et de tous les juifs du monde les complices de l'abomination.

             Un minimum d’honnêteté intellectuelle consisterait à reconnaître que si le gouvernement israélien d’extrême droite se défend de toute intention génocidaire, contre l'accumulation des faits, le Hamas quant à lui la revendique ouvertement, explicitement, ainsi le 7 octobre 2023, si rien n'avait arrêté les tueurs-violeurs, il ne resterait pas un seul israélien vivant. Quelle est cette paresse de l’esprit, consistant à refuser de considérer le Hamas, organisation islamo-fasciste explicitement génocidaire, comme co-responsable de l’abomination qu’il a provoquée et entretenue ?

Enfin, si l'on songe aux faibles mobilisations qu'ont suscitées les génocides récents au Soudan (300 000 morts estimés source ONU), et au Congo (plusieurs millions de victimes), on réalise que, s'il ne s'agissait pas d'Israël, tout le monde se ficherait du sort des malheureux palestiniens.

Le bon sens affirme que, comme un chat est un chat, un génocide est un génocide, point barre. Ne soyons pas dupes de cette simplicité.

vendredi 20 juin 2025

Faut-il se méfier de l'empathie ?

 

L’empathie est une disposition à comprendre l’état subjectif d’autrui, notamment sa souffrance, en se mettant à sa place. L’empathie apparaît dès lors comme le fondement de la morale. Mais par sa nature, l’empathie n’est peut-être pas le meilleur guide de nos décisions morales.

La vie nous amène régulièrement à exercer notre capacité d’empathie avec nos proches, mais, par les médias et les réseaux sociaux, nous sommes de plus en plus exposés, et même surexposés, au spectacle de la souffrance d’autres, loin voire très loin de nous. Nous comprenons leur peur, leur souffrance, leur désespoir, leur sentiment d’abandon, car nous l’avons tous un jour ressenti, pour nous-mêmes ou nos proches, mais aussi parce que, à travers la littérature et le cinéma, nous avons expérimenté d’autres vies. Cependant on peut légitimement se demander si l’invasion des écrans n’est pas en train de saper les capacités d’empathie. Par ailleurs, qui en France aujourd’hui peut comprendre ce que ressent celui ou celle qui est pourchassé(e) en raison de son identité, qui est pris(e) en otage, qui vit dans la peur d’un bombardement, qui se terre dans un abri, qui est privé(e) des biens matériels nécessaires à la survie ?

En outre, la sollicitation médiatique permanente de notre empathie a un biais redoutable : elle partage le monde entre nos semblables et les autres. En effet, l’empathie, contrairement à la sympathie et la compassion, implique un effort cognitif pour se mettre à la place d’autrui. Or cet effort est quasiment nul lorsqu’il porte sur des personnes que nous connaissons, ou dont nous nous sentons proches. Mais plus la personne impliquée est éloignée de nous, géographiquement et surtout culturellement, plus la situation qu’elle vit est différente de notre expérience, plus l’empathie implique un effort coûteux.

Ainsi l’empathie s’avère sélective selon l’éloignement de la victime au groupe auquel nous nous identifions. Cette sélectivité a été objectivée par de nombreuses expériences en psychologie sociale. Elle a pour effet de relativiser notre empathie : minime comme pour les dizaines de milliers de morts au Soudan, les millions de morts au Congo, le traitement inhumain infligé aux Ouïghours en Chine, modérée chez beaucoup pour les victimes de l’opération clairement génocidaire du Hamas le 7 octobre 2023 en Israël, et pour les otages encore détenus par le Hamas, maximale pour les victimes palestiniennes. Dans ce cas, la sur-empathie amène à comprendre, au sens littéral prendre à notre compte, la colère, la haine, le désir de vengeance vis-à-vis de ceux qui ont provoqué leur souffrance, Israël. Elle occulte la responsabilité écrasante du Hamas qui a généré cette situation et l’entretient en refusant de libérer les otages, ou rendre leur dépouille. En France la solidarité avec le peuple palestinien fait partie de l’ADN de la gauche, alors que celle avec Israël, petit pays démocratique entouré d’ennemis, n’a jamais été simple, elle est devenue aujourd’hui impensable. Qui ose aujourd’hui, s’il n’est pas juif, éprouver publiquement de l’empathie pour les morts du 7 octobre, les otages du Hamas et leurs familles ? Par empathie Israël est aujourd’hui le nom du Mal, et les juifs, le peuple élu de la haine universelle.

vendredi 2 mai 2025

Faut-il sauver l'écriture* ?

 

Les gens écrivent de plus en plus, mais lisent de moins en moins (source : baromètre 2025 du CNL). Pour comprendre ce paradoxe, il faut distinguer 1) l'écriture* réflexive impliquant relecture puis correction, et l’écriture° spontanée sur les réseaux sociaux, qui n'est qu'un oral secondaire, une orature ; 2) la lecture* profonde impliquant une concentration continue et exclusive sur un texte, et la lecture° superficielle. Ainsi le paradoxe se dissout : les gens lisent° et écrivent° de plus en plus,... mais lisent* et écrivent* de moins en moins. 

La cause en est, c’est bien documenté, l'omniprésence chronophage des écrans, mais le problème est plus profond : cette omniprésence développe une habitude d'attention diffuse et sautillante, au détriment de l'attention focalisée continue nécessaire pour la lecture* profonde et l'écriture* réflexive. La pratique de lecture* faiblit mais résiste, promue par l’école, les parents, et l’industrie du livre. Celle-ci a compris le profit qu'elle peut tirer des IA, ainsi le nombre d'ouvrages écrits - ou coécrits - par Chatgpt augmente de façon exponentielle (source : actualitte.com). Par contre la pratique d'écriture* se réduit de plus en plus aux cercles universitaires, littéraires ou journalistiques.

L'enjeu n'est pas trivial : alors que le monde bascule sous nos yeux, il y a une régression sans précédent du politique, une dévalorisation massive des valeurs démocratiques au profit d'une pure logique de la puissance qui déteste la pensée, et donc la lecture* et l’écriture*. Cette situation inédite rend nécessaire une mobilisation de l’intelligence politique collective dont la base fondamentale est la discussion. Je prétends que l'écriture* en est une condition nécessaire, car elle seule permet l'expression de ses pensées de la façon la plus juste possible, elle seule permet à ceux qui entrent dans la discussion d'être bien compris, contredits, nuancés, enrichis,...

Ca tombe bien : il n’y a jamais eu sur la terre autant de lecteurs-scripteurs ! Triste constat : les gens sont intimidés, paralysés par l'écriture*, et même on dirait qu’ils détestent écrire*. Sommes-nous destinés à laisser la connerie et le bullshit nous submerger au moment où le monde bascule ?

Ne laissons pas le capitalisme cognitif, ses armées d’algorithmes et d’IA, nous exproprier de la lecture* et de l'écriture*. Soyons le plus nombreux possible à penser le plus possible, donc à écrire* le plus possible !

Aux plumes citoyens !

samedi 12 avril 2025

Faut-il prendre soin de nos mots ?


Si penser c’est opérer avec des signes, le mot est l’outil par excellence de la pensée. Tous les totalitarismes, toutes les dictatures ont bien compris l’enjeu essentiel du contrôle du langage, et précisément du lien entre les mots et la réalité. Aujourd’hui se déroule en direct live une véritable guerre dont les victimes sont des mots, rien que des mots, guerre visant l’arraisonnement du seul et unique moyen de faire face à tous les périls qui nous menacent : la pensée.

Différence cruciale avec les guerres contre les mots menées dans le passé par les totalitarismes : les IA, les réseaux sociaux, les moteurs de recherche donnent au nouveau projet d’arraisonnement du langage une puissance phénoménale. Ainsi, à une échelle jamais atteinte, les structures de pouvoir politico-techno-économiques travaillent de concert pour effacer la nuance, pervertir le sens, instaurer une novlangue appauvrie, simplifiée, purement fonctionnelle, débarrassée des potentialités émancipatrices de la langue commune. Deux projets se combinent et se renforcent mutuellement : interdire et faire dire.

-       Les nouveaux empires en Russie, en Chine et aujourd’hui aux Etats-Unis interdisent purement et simplement les mots « dangereux », des listes* ridiculement longues agglutinent dans un catalogue à la Prévert des mots hautement subversifs avec des mots ordinaires selon l’actualité. Aujourd’hui, comme toujours, la créativité des locuteurs est sans limite pour inventer des alternatives, remplacer les mots interdits en jouant sur l’homophonie, la métonymie, les associations d’idées,… Mais quelque chose a changé la donne : la communication interpersonnelle  passe de plus en plus par des machines et des systèmes qui échappent complètement à ceux qui les utilisent et dont le contrôle hyper-efficace est concentré entre quelques mains.

-       Ainsi nos mots et leur sens sont extraits de nos données, puis réinterprétés par des algorithmes de recommandations pilotés par des IA qui, de manière subreptice, suggèrent telle façon de formuler plutôt que telle autre. Le langage humain digéré et recraché par les méga-systèmes numériques devient une langue froide, appauvrie, purement statistique et fonctionnelle.

Comment résister ? La fonction de penser ne se délègue pas ! Alors reprenons la main sur nos mots en refusant les recommandations algorithmiques, en refusant que des IA écrivent à notre place, et en osant communiquer notre pensée à un cercle restreint de personnes connues, plutôt qu’à une foule anonyme impersonnelle :.Soignons nos mots, le reste ira de lui-même.


* Liste de mots interdits par l’administration Trump, de mots à retirer, de mots qui, si vous les utilisez dans un article scientifique ou sur des sites web en lien quelconque avec une quelconque administration étatsunienne, vous vaudront, à votre article, à votre site, et donc, aussi, à vous-même, d’être « flaggé », d’être « signalé » et, ensuite, possiblement, « retiré » :

·         activism, activists, advocacy, advocate, advocates, barrier, barriers, biased, biased toward, biases, biases towards, bipoc, black and latinx, community diversity, community equity, cultural differences, cultural heritage, culturally responsive, disabilities, disability, discriminated, discrimination, discriminatory, diverse backgrounds, diverse communities, diverse community, diverse group, diverse groups, diversified, diversify, diversifying, diversity and inclusion, diversity equity, enhance the diversity, enhancing diversity, equal opportunity, equality, equitable, equity, ethnicity, excluded, female, females, fostering inclusivity, gender, gender diversity, genders, hate speech, hispanic minority, historically, implicit bias, implicit biases, inclusion, inclusive, inclusiveness, inclusivity, increase diversity, increase the diversity, indigenous community, inequalities, inequality, inequitable, inequities, institutional, LGBT, marginalize, marginalized, minorities, minority, multicultural, polarization, political, prejudice, privileges, promoting diversity, race and ethnicity, racial, racial diversity, racial inequality, racial justice, racially, racism, sense of belonging, sexual preferences, social justice, sociocultural, socioeconomic, status, stereotypes, systemic, trauma, under appreciated, under represented, under served, underrepresentation, underrepresented, underserved, undervalued, victim, women, women and underrepresented.


dimanche 23 mars 2025

Choisit-on ses ami(e)s?

 

L’amitié fait partie de ses choses dont on sait parfaitement ce qu’elles sont … tant qu’on n’essaie pas de les définir. « Parce que c’était lui, parce que c’était moi » ? Certes mais par gros temps, quand le bateau – comme dirait Georges - tangue, on peut éprouver le besoin de mettre en mots un sentiment qui, jusque là, allait de soi. Cet exercice n’arrive pas ici comme un sujet de philo, mais à partir de l’expérience douloureuse d’un chagrin d’amitié, que vous avez certainement, comme moi, déjà éprouvé. On ne choisit pas sa famille, on choisit ses ami(e)s. Est-ce si évident ?

On tombe en amitié comme on tombe amoureux, l’amitié nous choisit bien plutôt qu’on ne la choisit. On réalise ainsi un jour que telle personne est notre ami(e), sans qu’on l’ait vraiment décidé. Je fais ici la distinction entre les copains et les amis. Avec les premiers un simple contrat hédonique suffit : on se voit de temps en temps pour passer un bon moment, ni plus, ni moins. Avec les seconds, une alliance s’est construite au fil du temps, des expériences vécues ensemble. Cette Alliance est tissée de valeurs de principes dont on ne prend vraiment conscience que lorsque le bateau menace de chavirer. On réalise alors que ce qu’on choisit en fait ce n’est pas l’amitié mais ce qu’on en fait : la cultiver, la préserver en dépit des épreuves qui la menacent, ou y mettre fin. C’est dans ces moments critiques que se fait le choix : élection ou éviction ?

Une rupture d’amitié, comme une rupture amoureuse, marque une bifurcation existentielle. Pour lui donner un sens, il faut comprendre quel principe fondamental de l’Alliance a été violé. C’est là que les mots interviennent pour nommer ce qui allait de soi - enfin ce qu’on pensait aller de soi. Quelles sont les valeurs qui fondent l’amitié ? La liste en est indéterminée mais j’en choisis quatre qui s’emboîtent comme des matriochkas : l’empathie, la sincérité, la bienveillance et l’engagement

-       L’empathie c’est la sensibilité réciproque à ce qui peut blesser l’ami(e), ainsi les mots, les idées, les prises de position qui peuvent l’affecter.

-       La sincérité c’est la transparence réciproque sur les sentiments, les émotions mais aussi les opinions et croyances... au risque du désaccord. Rien de ce que dit ou pense l’ami(e) ne nous est indifférent. Et si ce qu’il/elle dit ou écrit nous intéresse, nous émeut, nous choque, nous trouble, on le lui dit.

-       La bienveillance c’est ici quand la contradiction et la critique excluent tout soupçon de malveillance ou de manipulation. Avec l'ami(e) on pèse ses mots, on évite autant que possible de le/la choquer ou le/la troubler.

-       L’engagement c’est agir quand le lien est distendu ou fragilisé, pour rétablir l'équilibre, réparer, éviter la rupture. Le silence est un poison, il faut répondre aux questions d'autant plus lorsqu'elles expriment une inquiétude, une incompréhension, une marque d'intérêt.

Quand un ou deux de ces principes sont violés la rupture est possible, il faut choisir : Election ou éviction ? Quand les quatre principes sont violés, la rupture est actée. C'est ce qui m'est arrivé : un licenciement sans motif exprimé, sans préavis ni entretien préalable. Si seulement il y avait des Prud'hommes en amitié !

samedi 1 mars 2025

Êtes-vous plutôt Blanche ou plutôt Sophia ?

 

Pendant que le monde bascule dans le chaos, l’explosion de la gauche française, par humoristes interposées, se poursuit dans un combat haineux entre « antisémites » et « islamophobes ». A gauche - enfin la gauche de gauche - Blanche Gardin (B.G.), engagée à fond contre le génocide (…des milliers de civils de Gaza sacrifiés par le Hamas  au nom du Djihad). A droite - enfin tout ce qui, à gauche, n’est pas la gauche de gauche - Sophia Aram (S.A.) qui dénonce inlassablement le Hamas et ceux qui le soutiennent, en France et ailleurs. De courageux anonymes les harcèlent toutes deux sur les réseaux (anti)-sociaux, instrumentalisant contre l’une l’antisémitisme, contre l’autre l’islamophobie. Le match est nul, mais y a-t-il match nul ?

            La réponse de B. G., il y a 9 mois, a pris la forme d’un sketch, parodie de groupe de parole, genre antisémites anonymes,…

https://youtube.com/watch?v=5riRhsKYH0Q&si=SXB86HV22Gf6amnJ

…qui essaient de se soigner en prenant conscience de leur « addiction ». La pauvre Blanche, aidée par l’animateur Aymeric Lompret, réalise que son appel au cessez-le-feu (3’20) était un acte antisémite car : « Qui met le feu ? LES israéliens, or Les israéliens, ce sont des juifs, donc ce sont LES juifs qui mettent le feu ». Appeler au cessez-le-feu est donc « anti-juif ». Le raisonnement est volontairement tordu, mais redoutable car, derrière le masque de l’ironie, il valide en fait l’amalgame Netanyahou = LES israéliens = LES juifs, seuls et uniques responsables de la guerre. Pas un mot dans le sketch, ni ailleurs dans les interviews de B.G., sur le Hamas, sur le 7 octobre 2023, ou sur les otages. Réponse calamiteuse par l’humour.

            Réponse de S.A. en mai, lors de la nuit des Césars : « Comment être solidaires des milliers de civils morts à Gaza sans être aussi solidaires des victimes israéliennes ? Comment exiger d'Israël un cessez-le-feu sans exiger la libération des otages israéliens ? Comment réclamer le départ de Netanyahou sans réclamer celui du Hamas ?». Réponse sans humour, mais digne.

            L’autoproclamée gauche de gauche déteste la complexité ou la nuance, elle ne connaît qu’un critère : le couple dominants / dominés. La figure de la victime persécutée n’est plus le Juif, mais le musulman, et sa quintessence : le Palestinien, vocable qui amalgame les civils et les islamo-fascistes du Hamas. La figure du dominant n’est plus le Blanc, mais le Juif, et sa quintessence : le Sioniste, vocable dont le sens fluctue entre eux pôles : simple soutien à l’existence d’Israël, ou participation à une entité maléfique, moteur de toutes les injustices, qui contrôle les médias, la finance, la politique des grandes puissances, est à l’origine des guerres au profit des juifs en général.

            Contrairement à ce qu’affirme ironiquement B.G., on peut, avoir en même temps un herpès labial et génital, être à la fois arabophobe et judéophobe, cette double pathologie caractérise l’extrême droite. Ainsi, pendant que le monde bascule, la gauche de gauche saborde ce qui reste de la gauche au profit de l’extrême droite qui arrive.

A vous lire,

Claude

 

P.S. : Voici un lien pour revoir le sketch de Pierre Desproges « On me dit que des juifs se sont glissés dans la salle. ».

https://www.youtube.com/watch?v=EPKsquJ0gFM

Vous chercherez aussi si vous voulez les premiers sketchs antisémites de Dieudonné. La comparaison est éclairante.

samedi 8 février 2025

Le retour des Empires, une tragédie ou une farce ?

 

« L’histoire se répète d’abord comme une tragédie, puis comme une farce » disait Marx. La bouffonnerie trumpienne serait-elle alors une farce… tragique ?

Nous avons vécu depuis 80 ans dans l’illusion d’un mouvement général, universel, naturel, vers la démocratie. Le réveil est brutal, les Empires sont de retour, et leur ennemi est clairement désigné : la démocratie libérale, ses valeurs, ses normes, son régime de droits sociaux, ses impôts, sa prétention à réguler l’économie. Les Etats-Unis représentaient symboliquement le rempart ultime des démocraties contre les Empires, russe et chinois. Or l’élection de Donald Trump signe la fin de cette illusion. Le « retour de l’âge d’or » américain, sous le sigle MAGA, marque en fait le retour à l’ère des grands Empires qui se partagent le monde, et qui ne connaissent, hors d’eux-mêmes, que des vassaux soumis ou des ennemis à abattre. Ce retour se fait selon trois modalités : le Dialogue mélien, les Compagnies des Indes et les Zones extraterritoriales.

-       Le Dialogue mélien décrit par Thucydide, pendant la guerre du Péloponnèsel, eut lieu entre Athènes et la petite île de Mélos, indépendante et neutre. Accepter que Melos ne soit pas soumise à l’Empire athénien était inconcevable, Mélos fut décimé, ses habitants massacrés, selon le principe suivant : La justice ne s’applique pas entre forces inégales. C’est ce principe qui semble au cœur des nouvelles politiques impériales en Ukraine, au Tibet, à Gaza, au Panama, etc…

-       Les Compagnies des Indes furent des extensions des Empires européens, échappant à toute juridiction pour alimenter leurs économies et leur puissance. Ces Compagnies battaient monnaie, avaient leurs propres cours de justice, leur armée privée pour soumettre et réduire en esclavage les colonies. Ce modèle inspire à l’évidence les Entreprises-Etats des géants de la tech.

-       Les Zones enfin sont les effets visibles de la guerre souterraine que mène le capitalisme à l’ère impériale contre la démocratie : paradis fiscaux, ports francs, technopoles, lotissements privés,… la perforation des tissus sociaux par des zones d’extra-territorialité, émancipées des pesanteurs des normes, du droit du travail, des impôts. A l’ère impériale, il faut protéger le capitalisme contre les masses démocratiques ou le droit international.

 

Nous vivons peut-être un basculement historique dont nos vieilles démocraties ne semblent pas avoir pris la mesure. Où sont les leaders politiques à la fois lucides, courageux, et capables d’unir les forces démocratiques contre le retour des Empires ? Et nous, citoyens européens, adhérons-nous encore à la démocratie libérale ? Face à l’Ubris débridée du duo Trump-Musk, qui est aussi celle de Poutine et de Xi Jinping, l’Europe, la France tout particulièrement, illustre bien ces vers prémonitoires du poète irlandais Yeats au début du terrible XXème siècle :

« Les meilleurs manquent de toute conviction, tandis que les pires sont animés d’une intense passion ».