jeudi 14 novembre 2019

Faut-il condamner l'islamophobie ?


L’indignation morale contre l’islamophobie semble justifiée par le fait qu’elle serait une forme de racisme au sens d’une attitude d’hostilité systématique à l’égard d’une catégorie déterminée de personnes. Mais si l’on est attentif au sens des mots, cela semble moins clair. En effet le concept d’islamophobie est ambigu, ce qui est extrêmement préjudiciable à la clarté et la sérénité des débats.
Au sens propre du terme, l’islamophobie est le rejet de l’Islam en tant que doctrine religieuse, elle relève donc de la liberté d’opinion et d’expression, au même titre que la judéophobie, la christianophobie ou même, si elle existe, l’athéophobie – rejet des religions judaïques et chrétienne ou de l’athéisme revendiqué. Or on assimile très généralement l’islamophobie à une forme de racisme, une haine des musulmans, qui ne relève pas du tout de la même catégorie. On devrait distinguer clairement les deux sens comme on le fait pour l’antisémitisme, la judéophobie et l’antisionisme. Il faut par ailleurs distinguer les actes criminels, et donc évidemment condamnables, vis-à-vis des lieux de culte, des cimetières ou des personnes musulmanes, et la liberté de critiquer l’Islam, l’islamisme ou même l’expression forte et publique de la foi pour une religion qui, soit dit en passant, rend possible une version fanatique qui assassine, réduit en esclavage et viole. Il faut enfin distinguer l’islamophobie et l’arabophobie qui est clairement une forme de racisme, qui se manifeste massivement en France par des discriminations de toutes sortes vis à vis des personnes d’origine maghrébine, que la loi doit sévèrement sanctionner.
Les fondamentalistes musulmans jouent sur l’ambigüité pour museler les critiques vis-à-vis de leur vision rigoriste de l’Islam. En l’occurrence les tensions autour du voile ne concernent pas l’Islam en général mais sa version islamiste qui a une visée politique, qui constitue le terreau idéologique dans lequel poussent les groupes terroristes, et qui attise la tension clairement assumée par la propagande djihadiste entre musulmans et « mécréants », facteur essentiel de radicalisation.
Mais la précision conceptuelle n’est pas suffisante pour éviter les ambigüités, ainsi les antisémites s’expriment souvent sous couvert d’un antisionisme de mascarade, à travers l’idée implicite, largement partagée, que les juifs sont tous, par nature, des soutiens inconditionnels de l’Etat d’Israël. La précision conceptuelle comme l’ambigüité peuvent donc toujours être instrumentalisées par la mauvaise foi et la propagande. Mais la précision vaut toujours mieux car, comme le disait Camus, " mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde."                                                            

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