jeudi 31 mai 2018

Est-ce qu'être français, ça se mérite ?



Mamoudou Gassama, voici quelqu’un qui a tout d’un héros de roman : jeune, migrant sans papier, arrivé en France après un long et périlleux périple, désintéressé et prêt à risquer sa vie pour sauver celle d’un enfant inconnu. Providence médiatique : un courageux témoin a filmé la scène digne d’un film d’action, plutôt que d’appeler les pompiers. Voilà le genre de fait divers qui génère une belle unanimité admirative, mais qui pose quand même question : est-ce qu’être français ça se mérite ?
Si la réponse est non, on dira qu’être français est une question purement administrative qui dépend de critères objectifs, et non d’un jugement moral. Pour les demandeurs qui n’ont pas le statut de réfugié – ce qui est le cas de M. Gassama – il faut notamment avoir une maîtrise suffisante de la langue française, et adhérer expressément aux « valeurs de la République ». Mais la valeur exemplaire et exceptionnelle de l’acte n’autorise-t-elle pas une dispense ?
Qui oserait le contester ? Si on accepte ce qui semble relever de l’évidence, il faut du même coup assumer la dimension morale de la nationalité française. Elle est d’ailleurs déjà implicitement présente à travers l’adhésion aux « valeurs de la République » qui conditionne la naturalisation. Mais si on peut devenir français au mérite, on ne voit pas pourquoi on ne pourrait pas déchoir de la nationalité au démérite. Ainsi ceux qui, par leur comportement, leurs actes ou leurs paroles publiques bafouent les valeurs communes minimales du pacte républicain – l’acceptation de la laïcité, l’égalité entre les hommes et les femmes, le refus de toute discrimination, notamment l’homophobie ou l’antisémitisme, devraient pouvoir être déchus de la nationalité s’ils sont binationaux, ou des avantages, droits, protections et aides que celle-ci procure. Cette déchéance pourrait être provisoire ou permanente selon les faits incriminés.
Voici un sujet hautement polémique et que l’on considère comme un marqueur du clivage droite-gauche, voire-même de la dichotomie entre le camp du bien et le fascisme. En période de montée en puissance du populisme nationaliste cette question sent le souffre, mais refuser de la poser et d’y réfléchir me semble la pire des solutions.

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