Mamoudou
Gassama, voici quelqu’un qui a tout d’un héros de roman : jeune, migrant
sans papier, arrivé en France après un long et périlleux périple, désintéressé
et prêt à risquer sa vie pour sauver celle d’un enfant inconnu. Providence
médiatique : un courageux témoin a filmé la scène digne d’un film d’action,
plutôt que d’appeler les pompiers. Voilà le genre de fait divers qui génère une
belle unanimité admirative, mais qui pose quand même question : est-ce qu’être
français ça se mérite ?
Si
la réponse est non, on dira qu’être français est une question purement administrative
qui dépend de critères objectifs, et non d’un jugement moral. Pour les
demandeurs qui n’ont pas le statut de réfugié – ce qui est le cas de M. Gassama
– il faut notamment avoir une maîtrise suffisante de la langue française, et
adhérer expressément aux « valeurs de la République ». Mais la valeur
exemplaire et exceptionnelle de l’acte n’autorise-t-elle pas une dispense ?
Qui
oserait le contester ? Si on accepte ce qui semble relever de l’évidence,
il faut du même coup assumer la dimension morale de la nationalité française.
Elle est d’ailleurs déjà implicitement présente à travers l’adhésion aux « valeurs
de la République » qui conditionne la naturalisation. Mais si on peut
devenir français au mérite, on ne voit pas pourquoi on ne pourrait pas déchoir
de la nationalité au démérite. Ainsi ceux qui, par leur comportement, leurs
actes ou leurs paroles publiques bafouent les valeurs communes minimales du
pacte républicain – l’acceptation de la laïcité, l’égalité entre les hommes et
les femmes, le refus de toute discrimination, notamment l’homophobie ou l’antisémitisme,
devraient pouvoir être déchus de la nationalité s’ils sont binationaux, ou des
avantages, droits, protections et aides que celle-ci procure. Cette déchéance
pourrait être provisoire ou permanente selon les faits incriminés.
Voici
un sujet hautement polémique et que l’on considère comme un marqueur du clivage
droite-gauche, voire-même de la dichotomie entre le camp du bien et le
fascisme. En période de montée en puissance du populisme nationaliste
cette question sent le souffre, mais refuser de la poser et d’y réfléchir me
semble la pire des solutions.
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