L’amitié
c’est comme la vie, on sait très bien ce que c’est… tant qu’on n’y pense pas.
Et comme la vie, on y pense surtout quand elle vacille, quand on ressent sa
fragilité. Une mythologie de l’amitié, enkystée dans notre langage et nos
représentations, lestent ce vocable de pathos, et l’enrobent d’un flou
conceptuel. Or philosopher c’est créer des concepts, notamment pour lutter
contre l’ensorcellement de notre esprit par certains mots, comme l’amitié. Qu’est-ce
au fond l’amitié ?
Ce
mot unique recouvre en fait – au moins - trois catégories bien distinctes que
j’interprète ainsi : l’alliance, l’affinité et le contrat
hédoniste.
L’alliance,
c’est notre fond anthropologique d’animaux sociaux : le besoin de se lier
à d’autres par des obligations réciproques de soutien et d’entraide, l’ami sur
le mode de l’alliance c’est la famille élargie qui me soutient et me renforce.
L’affinité,
c’est la tendance à aller vers mes semblables, ceux qui me ressemblent, partagent
mes intérêts, mes croyances et mes désirs, l’affinité c’est les copains, ceux
avec qui on partage les repas et les discussions, qui me donnent l’occasion de
m’exprimer, d’être contredit, et me connaître moi-même par effet miroir.
Le contrat
hédoniste, c’est l’attraction envers ceux avec qui je passe des bons
moments, festifs et légers, le contrat hédoniste c’est les potes, ceux avec qui
on boit des pots, ceux qui me réjouissent et me consolent du pathos
existentiel.
L’amitié
en mode mineur se limite à une ou deux de ces composantes, l’Amitié en mode
majeur combine les trois dimensions, elle obéit à quelques invariants :
Des amis – famille élargie,
copains, potes - on en a beaucoup, des Amis, on en a très peu. Il y a des
amitiés de couple et des amitiés individuelles. L’Amitié en mode majeur ne
concerne que les individus. Les Amis occupent notre esprit, il y a donc une forme
de passion dans l’Amitié. De ce fait, seule l’absence de désir charnel
distingue l’Amitié de l’amour. Par ailleurs, l’amitié sous ces diverses formes
est nécessairement réciproque, ce qui n’est évidemment pas le cas de l’amour. Enfin
il y a des chagrins d’Amitié, comme il y a des chagrins d’amour, par rupture
des relations réciproques :
- Rupture
du contrat
hédoniste : on n’éprouve plus ni l’envie ni le plaisir de la
présence de l’ami.
- Rupture
de l’affinité :
nos routes ont divergé, on a changé, on n’a plus les mêmes idées, les mêmes
intérêts, le goût de s’enrichir de nos différences.
- Rupture
de l’alliance :
il n’y a plus de bienveillance mutuelle, de loyauté, ou de confiance.
L’inimitié est une passion
triste, aussi le sage la rejette et prend la rupture d’Amitié comme une
occasion de régénération, de renouvellement.
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