jeudi 30 novembre 2017

La langue est-elle sexiste ?



Le sexisme a fini par intégrer la liste des abominations idéologiques de l’humanité, à l’égal du racisme et de l’antisémitisme. Or c’est notre langue elle-même qui se retrouve aujourd’hui accusée de cette tare. « Le masculin l’emporte sur le féminin. » Comment nier que cette formule lapidaire, implémentée dans nos cerveaux à force de répétitions professorales, ne contribue pas à l’entreprise de virilisation des petits mâles, avec d’autres maximes : « Les garçons ne pleurent pas. », et autre « Montre que tu as des couilles ! ». Fabrication psycho-socio-linguistique des futurs névrosés de la masculinité. Mais cette formule ne rend-elle pas compte d’une règle grammaticale ? La langue est-elle sexiste ?
Selon Roland Barthes, « La langue est fasciste ! ». Elle nous marque de son sceau indélébile, elle n’empêche pas de dire, pire : elle impose un prêt-à-parler qui devient un prêt-à-penser. Les mots impliquent une grille de lecture du monde, ainsi il est bon d’en éradiquer certains, toxiques - « nègre », « youpin », « bicot »,…Dites… Ne dites pas… De même si l’on ne peut pas empêcher de confirmer dans tous nos discours que « le masculin l’emporte sur le féminin », faudrait-il réformer la langue et dire : « L’homme et la femme se sont assises. » ? Mais ce serait alors une forme de sexisme inverse : « Le féminin l’emporte sur le masculin. » ! On peut plus aisément changer les noms - la cheffe, l’écrivaine, l’auteure,… -que la grammaire. Que faire alors ?
Le fond de l’affaire, ce n’est pas le sexisme grammaticalement fondé, mais l’abêtissement économiquement programmé. Ainsi la formule « Le masculin (M) l’emporte sur le féminin (F). » est toxique et surtout fallacieuse. Elle relève d’une simplification abusive sous la forme : M.+F.=M. Or la réalité est tout autre :
-       M.+F.=N., autrement dit, le masculin est bivalent : masculin et neutre. Le neutre l’emporte sur le féminin et le masculin !
-       Le genre grammatical est distinct du genre génétique, lui-même distinct du genre social. Ne dit-on pas : « le vagin » et « la verge » ? Le genre masculin grammatical n’a rien à voir avec le genre masculin bio-psycho-social !
Contre un pseudo-sexisme de la langue, il faut enseigner l’esprit de finesse, la nuance et la complexité. Et contre le fascisme de la langue, il faut opposer un anarchisme de l’usage. Mais celui-ci suppose d’abord l’acquisition d’une norme standard, la langue commune à partir de laquelle tout est possible, tout peut se dire ! La langue : un lien qui libère.

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