jeudi 23 février 2017

Elections, piège à cons ?



Voici bientôt venu le temps de la grand-messe quinquennale, où le bon peuple de France sera solennellement convié à appliquer l’onction élective sur le nouveau monarque républicain, puis sur un aréopage de représentants du peuple. Tous recevront, par la grâce du suffrage universel, la légitimité démocratique, …. autrement dit : carte blanche pour ne rien changer d’essentiel, et surtout pas le système qui leur permet d’exister et de persévérer dans leur être.
Pour qui voter ? Peu importe ! D’une part le scrutin est essentiellement un plébiscite pour le système : le régime représentatif et la classe politique qui le porte. D’autre part, il produit invariablement un gouvernement de centre mou, social libéral, globalement conservateur, qui ose parfois, pour faire « progressiste », quelques « cadeaux » à un secteur de son électorat (genre mariage pour tous, légalisation du cannabis, revenu universel pour les jeunes,…).
Il paraît qu’il y a des candidats « anti-système ». C’est ce que la grammaire logique appelle une contradiction performative, et ce que la science politique appelle une récupération : les anti-système ont une place prévue dans le système, une case spéciale de l’échiquier électoral, une fonction de soupape de sécurité en somme. Soyons réalistes, ceux qui se présentent comme « anti-système » sont soit des bonimenteurs – des Trumpeurs – soit des rentiers confortablement installés dans une niche électorale, qui n’ont aucune chance d’être élus, si tant est qu’ils le souhaitent, ils n’ont rien à y gagner et tout à y perdre. Et le FN, me direz-vous ! Arrêtons de nous faire peur : il est un ingrédient indispensable à la perpétuation du système, par la culpabilisation des abstentionnistes. En effet, ce que craint le plus le système, ce ne sont ni les Marine, ni les Mélenchon, ou autre Poutou,… c’est le « parti » des abstentionnistes, le seul qui pourrait délégitimer la sainte élection, et donc menacer le système. Le parti de ceux qui refusent de continuer à se faire berner d’élection en élection, ceux qui disent « Not in my name ! », ceux qui ne croient pas ou plus à la fiction de la représentation. Ceux qui savent que les élu(e)s ne représentent qu’eux-mêmes et les partis qui les adoubent, que leurs programmes, leurs slogans, leurs idées, leurs concepts relèvent du marketing, à la différence près qu’il y a une loi contre la publicité mensongère, alors que les promesses électorales trahies, ne donnent jamais lieu à la moindre sanction.
« Mon ennemi c’est la finance ! ».Récitez plusieurs fois ce mantra si l’envie vous prend d’aller à l’isoloir comme on va à confesse, pour se donner à peu de frais la bonne conscience du devoir accompli.

vendredi 10 février 2017

De quoi Pénélope est-elle le nom ?



Quand l’imbécile montre la lune, le sage se demande qui est au bout du doigt, et quel est le sens de son geste. Ainsi la silencieuse Pénélope et la meute de ceux qui hurlent autour d’elle, nous disent au moins trois choses.
Le Pénélopegate, c’est d’abord le retour du réel pour ceux qui feignent d’oublier cette évidence : tout corps plongé dans le pouvoir subit une poussée verticale de haut en bas, proportionnelle à la hauteur de la position qu’il occupe. En effet, dès qu’une position de pouvoir se prolonge dans le temps, l’individu qui s’y trouve doit posséder des vertus morales hors du commun pour résister aux tentations, arrangements, accommodements, optimisation, avantages, privilèges, opportunités, pour soi, sa famille, ses amis. Ainsi nos gouvernants ne sont ni plus ni moins « pourris » que la plupart d’entre nous, ce sont juste des humains trop humains.
Le Pénélopegate nous rappelle aussi opportunément que l’Etat n’est plus depuis des lustres le bouclier de la société contre « l’argent fort », comme disait Pierre Mendès-France. La frontière entre l’Etat et l’Argent est devenue totalement poreuse du fait notamment de la professionnalisation de la fonction politique : celui qui veut y faire carrière doit s’assurer des alliés puissants pour financer ses réélections et s’assurer un parachute et un matelas douillet en cas de chute, l’électeur étant notoirement instable, ingrat et imprévisible. Argent et Pouvoir ont toujours fait bon ménage.
Le Pénélopegate est aussi le signe éclatant d’une collusion entre la haute fonction publique, la justice et les médias qui étaient autrefois de vrais contre-pouvoirs indépendants de l’Etat et de l’argent fort. Or, quoiqu’on pense de la tartufferie du Chevalier blanc Fillon autoproclamé parangon de probité et de rectitude, et sans donner dans le complotisme à deux balles, le timing est trop parfait, et les fuites trop savamment distillées en goutte à goutte pour alimenter la machine à dézinguer les idoles, pour ne pas y voir une manœuvre.
Il ne reste plus qu’à se demander à qui profite le Pénélopegate. Voici, selon moi, l'hypothèse la plus convaincante : au mariage de l’argent et du politique qui exige le sacre du Chevalier Macron, adoubé par la haute administration dont il est issu, l’argent dont il est le représentant zélé et une grande partie de la Nomenklatura encartée au PS ou chez LR effrayée par la déroute annoncée de ses candidats. Une fois encore, on prend le peuple pour un tas d’abrutis, tant la manœuvre est grossière, mais hélas, mille fois hélas, la Gauche étant redevenue la machine à perdre d’avant le programme commun, la seule en mesure de l’empêcher se nomme Marine. Tremblez amis de la liberté et de la justice !

jeudi 19 janvier 2017

Esprit de gauche où es-tu ?




            La gauche a quelque chose d’exaspérant voire désespérant pour ceux qui  sont attachés à ses principes de base ; la gauche, ou plutôt une certaine mentalité de gauche, dont les voix officielles seraient France Inter, Libération et Télérama. Sa propension à se percevoir comme le « Camp du Bien » disqualifie immédiatement tout adversaire comme un salaud, un beauf, ou un égoïste rétrograde et bas du front. Ainsi, bonne conscience et bien-pensance sont les attributs d’un esprit de gauche paresseux mais tellement commun, l’un expliquant l’autre sans doute.
Le démocrate radical ne peut que s’insurger contre cet impérialisme idéologique, en effet une société libre et ouverte implique une diversité de conceptions quant à la juste répartition des richesses, quant aux biens communs ou aux limites à l’intervention de l’Etat. D’ailleurs ceux que la doxa de gauche a désignés comme « nouveaux réactionnaires » sont souvent bien plus stimulants que ses discours paresseux et convenus.
Le véritable esprit de gauche ne peut que s’insurger contre cette tartuferie qui trahit l’héritage des luttes et des conquêtes sociales, en effet la gauche dite « de gouvernement » s’est résignée au principe Tina (There is no alternative), le calamiteux « il n’y a pas d’alternative ». Autrement dit, le progressisme de gauche qui luttait contre le « vieux monde » s’est métamorphosé en son exact opposé : l’exhortation à s’adapter au monde tel qu’il est. Ce faisant, il a abandonné la lutte contre la sauvagerie capitaliste qui conjugue l’exploitation du travail, le pillage de la planète, la destruction de la nature, l’aliénation consumériste et le règne déshumanisant de la marchandise.
Qu’est-ce qu’un esprit de gauche exigeant ? La conjugaison extrêmement délicate de cette lutte à mener plus que jamais, et de la régénération plus que jamais nécessaire de la démocratie. Deux exigences peut-être opposées, mais certainement indissociables.



vendredi 6 janvier 2017

Que faire du libéralisme ?




On demande spontanément aux gens s'ils sont "de droite" ou "de gauche", on leur demande rarement s'ils sont libéraux ou antilibéraux. Or cette question semble essentielle aujourd’hui car elle contrarie le partage classique droite/gauche entre les quatre forces qui monopolisent le jeu politique. En effet, celles-ci se divisent aussi entre libéraux et antilibéraux, soit une droite et une gauche libérales - PS et LR -, une droite et une gauche antilibérales - les deux "Fronts ", FN et FG. Le fait que les antilibéraux se constituent en "Front" est évidemment révélateur de la difficulté à affronter le libéralisme, tant ses principes de base imprègnent la société et les institutions. Par ailleurs ce schéma se complique encore si l'on prend en compte les deux dimensions du libéralisme, politique et économique.
Le libéralisme politique est fondé sur l'égalité des droits, la limitation du pouvoir de l'Etat et sa neutralité morale qui rend légitimes les libertés individuelles de croyance et d'expression.
Le libéralisme économique est fondé sur la liberté de contracter, d'échanger et d'entreprendre, sans intervention abusive de l'Etat. 
L'antilibéralisme est une notion ambigüe car il s'oppose tantôt à l'une, tantôt à l'autre, tantôt aux deux dimensions du libéralisme.
On peut donc envisager quatre positions : les libéraux intégraux, les antilibéraux intégraux, les antilibéraux politiques, et les antilibéraux économiques. Il n'y a plus en France aujourd'hui de force politique intégralement antilibérale – comme l’étaient les fascistes ou les communistes. Le PS et LR partagent un point de vue libéral intégra : libéralisme social à droite, socialisme libéral à gauche. C'est d'ailleurs cette proximité idéologique qui brouille l'opposition entre le PS et LR, et entretient l'idée -fausse - que le clivage gauche/droite n'est plus pertinent. Le Front national est la fois libéral économiquement et antilibéral politiquement, alors qu’a contrario le Front de gauche est libéral politiquement mais antilibéral économiquement.
La position la plus difficile à tenir est pourtant celle qui me semble la plus pertinente aujourd’hui : préserver les acquis du libéralisme politique, tout en s’attaquant à la face obscure du libéralisme économique : le capitalisme, qui détruit la nature, les cultures et colonise les esprits.

jeudi 15 décembre 2016

Avons-nous encore besoin d'un monarque républicain ?




L’élection n’est pas le critère distinctif spécifique de la démocratie. En effet, comme le disait Montesquieu, « Le suffrage par le sort est de la nature de la démocratie, le suffrage par le choix est celle de l’aristocratie ». Mais l’indigence flagrante de notre classe politique ne permet d’en faire une « élite » ni du point du vue intellectuel ni du point de vue du courage ou de la morale. La 5ème République est bien plutôt une monarchie élective, comme celle qui avait cours chez nos ancêtres les Gaulois. Qu’est-ce qui distingue un chef d’Etat démocratique et un monarque ? L’étendue de son pouvoir, l’obligation de rendre des comptes sur ses actes, notamment ses accords plus ou moins formels avec des chefs d’Etats étrangers. Dans une monarchie constitutionnelle, les pouvoirs du monarque sont définis et limités par une Constitution, alors que ceux d’un despote ne sont limités par aucune instance supérieure. Cependant le monarque n’a aucun compte à rendre - devant le parlement notamment - son pouvoir est discrétionnaire, tant qu’il n’outrepasse pas les limites de la Constitution. Ainsi en est-il de nos Rois-Présidents de 5ème République. Ils ont un pouvoir exorbitant, sans obligation de rendre des comptes devant qui que ce soit durant la durée de leur mandat, et sans contre-pouvoir, du moins tant que la majorité parlementaire est de leur bord.
Le monarque républicain a été institué pour incarner l’unité de la Nation, renforcer au maximum le pouvoir exécutif, avec une légitimité très forte puisqu’elle émanait de la majorité du corps électoral. Aujourd’hui le monarque est un colosse aux pieds d’argiles : sa base électorale se situant entre 20 et 30% maximum, son pouvoir d’agir est d’une part limité dans le cadre des instances européennes, d’autre part fragilisé car il se fait désormais systématiquement dans un affrontement avec le « peuple de droite » - la manif pour tous – ou le « peuple de gauche » – Nuit debout.
La monarchie républicaine est donc aujourd’hui une coquille vide, dont le seul mérite est la kermesse électorale qui, tous les cinq ans, réanime le corps électoral, lui permet d’exprimer des idées et des projets, qui seront lettre morte quand la fête sera finie. Rendez-vous dans 5 ans pour la prochaine kermesse. En attendant notre monde s’effondre du point de vue social et écologique… mais le spectacle continue !