samedi 28 septembre 2024

Le R.N. et ses électeurs sont-ils fascistes ?


Le R.N. fait partie du paysage politique français depuis tellement longtemps qu’il semble être devenu un parti – presque – normal. Aussi une question se pose : le Front républicain anti-R.N. des législatives relève-t-il d’une crise de panique morale dans le chaos de la dissolution, ou bien est-il un sursaut de conscience face au péril fasciste ?

Si l’étiquette extrême droite fait relativement consensus, beaucoup rechignent aujourd’hui à qualifier le R.N. de fasciste. Le recours à l’origine du F.N. fondé par des collabos, Waffen ss et anciens de l’OAS, se heurte d’une part à l’oubli et d’autre part à l’idée que le passé étant passé, seul compte le présent. Par ailleurs, faut-il distinguer comme beaucoup le font, le parti et ses sympathisants « fâchés pas fachos » ?

Parmi les essais pointant le caractère fasciste du R.N. et la psycho-sociologie de son électorat, il faut à mon avis lire le petit opuscule Reconnaître le fascisme écrit en 1995 par Umberto Ecco, et s’intéresser au travail plus récent du philosophe Michel Feher dans son essai Producteurs et parasites.

Umberto Ecco, à partir de son expérience du fascisme italien, donne 14 critères de ce qu’il nomme « fascisme éternel ». Celui-ci est raciste par définition, mais aussi xénophobe et complotiste, il rejette l’intelligentsia cosmopolite, il mobilise une classe moyenne frustrée, souffrant de la crise économique ou d’un sentiment d’humiliation politique, persuadé d’un complot des élites et effrayé par la pression qu’exerceraient des groupes sociaux inférieurs.

Michel Feher quant à lui intègre le fascisme dans un courant d’idées de l’Histoire longue qui, depuis la Révolution française, distingue radicalement le « Peuple » qui travaille et produit la richesse, et les « parasites » qui vivent sur son dos. Ceux d’en haut détournent le capital économique et pervertissent le capital culturel, alors que ceux d’en bas - pauvres, assistés, chômeurs - vivent aux crochets du système productif. Il faut ajouter un élément essentiel : la nature ethno-raciale des « parasites » : en haut les aristocrates ont laissé la place aux juifs, en bas les étrangers, métèques, africains et arabes, migrants aujourd’hui.

Le R.N., après le F.N., est très habile pour avancer masqué et envoyer des signaux à bas bruit à son électorat. Ainsi concernant le partage entre bons français et parasites, Jordan Bardella lance innocemment sur BFM : Les français d’origine étrangère qui travaillent et respectent la loi n’ont rien à craindre de l’arrivée au pouvoir du R. N… Quant aux autres… Marine Le Pen appelle récemment à ne pas choisir entre «les destructeurs d’en haut et ceux d’en bas»… derrière l’allusion aux macronistes et au Front poulaire, apparaissent en filigrane les parasites, étrangers, ou pas vraiment français, délinquants ou prédélinquants. Etude récente : 54 % des électeurs du R.N. se disent racistes (source Le monde 27 juin 2024 citant le rapport annuel de la CNCDH). Dans leur ensemble il leur semble absurde et injuste de devoir payer des impôts et des cotisations sociales pour des groupes sociaux considérés comme moins légitimes pour bénéficier de la solidarité nationale.

Alors, plutôt que fâchés pas fachos, l’électeur R.N. est facho pas fâché..


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