Depuis ce qui se passe
en Israël / Palestine, il y a dans les débats, articles et slogans,
une inflation de la formule « Deux
poids, deux mesures ». Or cette formule est confuse et ambiguë.
La métaphore joue sur
une analogie entre une masse à peser et une situation à évaluer du point de vue
moral ou juridique. La rationalité implique que deux cas semblables soient
traités de façon similaire, comme deux poids identiques doivent correspondre à
la même pesée. La formule a deux significations possibles : 1) pour deux
poids différents on a la même mesure, 2) pour deux poids identiques, on a deux
mesures différentes – je néglige les deux options où les poids et mesures
correspondent, identiques ou différents. Dans le champ moral, c’est la version
2) qui est généralement comprise par la formule pour dénoncer une dissymétrie
dans l’indignation, mais la version 1) est aussi pertinente, elle renvoie à une
fausse symétrie.
Version 1) la notion
de « génocide » assimile les bombardements massifs de Tsahal sur Gaza
aux génocides des Arméniens, des Juifs, des Tsiganes, des Tutsi,.. Or si ces
bombardements tuent de façon inhumaine et indifférenciée les membres du Hamas
et la population de Gaza, les palestiniens de Cisjordanie ne sont pas
exterminés, sans même parler des Palestiniens arabes de citoyenneté
israélienne. Par ailleurs, si l’on peut discuter l’intention génocidaire du
gouvernement israélien, celle du Hamas le 7 octobre ne fait aucun doute :
si rien n’avait empêché les tueurs dans leur abomination, ils auraient exterminé
toute la population israélienne.
Version 2) comme le
dit Ariane Mnouchkine « le Hamas est
la malédiction des Palestiniens, et Netanyahou celle des juifs israéliens ».
L’indignation qui ne s’adresse qu’à l’un des deux, est stérile et même
contre-productive. Ainsi traiter Netanyahou de « nazi » est abusif
(version 1) mais le faire sans traiter de même les islamo-fascistes du Hamas,
est un signe de malhonnêteté intellectuelle, voire une manipulation
intellectuelle pour ceux qui sont à juste titre indignés par le sort des
gazaouis (version 2).
Ainsi la formule
« Deux poids, deux mesures »
est d’une simplicité trompeuse : masse, poids et mesures sont des notions
physiques de base, alors que les situations qui appellent un jugement
juridiques ou moral sont toujours complexes et singulières. Aucune situation ne
peut être rigoureusement identique à une autre : ce qui s’est passé le 7
octobre et ce qui se passe à Gaza ne constituent pas des situations identiques,
mais séparer abstraitement la seconde de la première est calamiteux.
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