Nous avons hérité des
Lumières l’idée que la liberté d’expression est un pilier de la démocratie, et que
l’opinion publique est suffisante pour en réprimer les abus. Or cette idée
semble aujourd’hui doublement menacée : d’une part la mise sous tutelle
des médias d’information par les structures de pouvoir, d’autre part la
pression exponentielle des réseaux dits « sociaux » qui combinent la
désinformation et le harcèlement de ceux qui osent s’exprimer sur les sujets
clivants. D’un côté la liberté de dire ce qu’un public ciblé à envie d’entendre,
de l’autre l’empêchement de dire ce qui risque de déplaire à ceux qui s’érigent
en police de la pensée. Or la liberté d’expression est avant tout celle de blasphémer,
déplaire, heurter, mettre en colère, celle qui a coûté la vie à la rédaction de
Charlie. Aujourd’hui, le drame israélo-palestinien exacerbe ce rétrécissement
de la liberté d’expression, à travers trois cas emblématiques : Guillaume
Meurice, Mathilde Panot, Sophia Aram.
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La vanne sur « le nazi sans
prépuce » est naze, mais sa sanction disciplinaire est calamiteuse en termes
de liberté - l’humour est par nature un jeu avec les limites -, d’image -
« écoutez la différence ! » -, et de résultat : la
vanne pourrie qui aurait été immédiatement oubliée, est devenue virale : la
contre-productivité à son paroxysme.
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La convocation policière de Mathilde
Panot pour « apologie du terrorisme » est, elle aussi,
calamiteuse. Je n’ai aucune sympathie pour ceux qui, comme elle, pratiquent le
surf électoral sur la vague anti-Israël honorant le Hamas comme
« mouvement de résistance ». Mais, quoiqu’on en pense, ses
prises de position ne sont pas une apologie du terrorisme, mais plutôt
un déni, une vision volontairement tronquée et simplificatrice d’une réalité
complexe. Par ailleurs, l’inflation politico-judiciaire de la catégorie
« terrorisme », instrument classique de répression des régimes
autoritaires, est un signe inquiétant d’affaiblissement de la démocratie.
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Enfin, quand certains responsables de L.F.I.
qualifient d’« apologie du génocide » la parole de tolérance
et de paix de Sophia Aram à la cérémonie des Molières, ils savent très bien que
cette accusation fallacieuse va générer une vague d’injures, de menaces et de
haine contre l’humoriste. Ils savent que le danger réel qu’ils lui font courir
alimentera une épidémie d’autocensure qui constitue en fait la menace la plus
redoutable contre la liberté d’expression.
La liberté d’expression n’est pas tant celle de dire ce qu’on pense, que de
tolérer l’expression de ce avec quoi on est totalement en désaccord.
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