jeudi 20 juin 2024

Entre quels "extrêmes" devront-nous choisir ?

 

Electeurs, électrices, vous êtes prévenus : Tout plutôt que le recours aux « extrêmes ». Que penser de cette injonction et de son corolaire, la symétrie diabolique entre « extrême droite » et « extrême gauche » ?

-               L’extrême gauche, c’était les gauchistes, maoïstes, trotskistes, anarchistes, … tout ce qui se situait à gauche des communistes et des socialistes. Les groupes qui s’en revendiquaient crachaient sur la démocratie parlementaire bourgeoise, méprisaient les postes électifs de responsabilité, car leur seul horizon était la Révolution par la Grève générale. L.F.I. n’est qu’un pâle avatar du trotskysme révolutionnaire, cependant elle en garde quelques stigmates : le sectarisme, la figure du guide suprême, l’intolérance à la contestation – pas d’insoumission chez les insoumis -, l’absence totale de démocratie interne, et, cerise sur le gâteau, le vieil antisémitisme de gauche, basé sur une équation simple : juif = banque = capitalisme, équation mise à jour : juif = Israël = domination raciale et coloniale de l’homme blanc. Le Nouveau Front Populaire n’est pas l’extrême gauche, mais sa composante principale, L.F.I. en a beaucoup de caractéristiques, n’en déplaise au Conseil d’Etat.

-           L’extrême droite française a, elle aussi, une vieille Histoire, qui chemine de Drumont, Mauras, Pétain au clan Lepen, dans une continuité idéologique : le nationalisme autoritaire, xénophobe, raciste et antisémite. Le ripolinage bleu Marine, la « dédiabolisation », cache sous le tapis la fondation du F.N. par des Wafen SS, des collabos et des anciens de l’OAS. La gaffe de M. Bardella est le signe de ce fond idéologique indélébile : « Les Français d’origine étrangère qui travaillent et respectent la loi n’ont rien à craindre. » Le RN exprime ainsi son vieux fond moisi d’extrême droite : le partage entre « bons français » et « mauvais français ».

-           Il y a enfin, le macronisme qu’on peut qualifier d’ « extrême centre », une nouvelle catégorie politique : l’oligarchie technocratique autoritaire, dopée aux cabinets de conseils, aux conseillers en communication. Sa mission : promouvoir la révolution néolibérale, rassurer les marchés financiers, défaire l’Etat social, les services publics, pérenniser l’état d’urgence policier, faciliter la soumission des Médias main stream aux puissances d’argent.

Il y a donc bien un choix à faire entre les « extrêmes », mais je considère que Le Nouveau Front Populaire, d’extrême gauche par sa composantes L.F.I., représente malgré cela un – petit - espoir de renouveau de la social-démocratie, démocratique, universaliste, laïque, le retour des valeurs historiques de la gauche : la critique sociale, le souci écologique, l’émancipation des individus. Son handicap : L.F.I. constitue à juste titre un repoussoir pour une grande partie du peuple de gauche. Bref, c’est mal barré !

dimanche 9 juin 2024

Deux poids, deux mesures ?

Depuis ce qui se passe en Israël / Palestine, il y a dans les débats, articles et slogans, une inflation de la formule « Deux poids, deux mesures ». Or cette formule est confuse et ambiguë.

La métaphore joue sur une analogie entre une masse à peser et une situation à évaluer du point de vue moral ou juridique. La rationalité implique que deux cas semblables soient traités de façon similaire, comme deux poids identiques doivent correspondre à la même pesée. La formule a deux significations possibles : 1) pour deux poids différents on a la même mesure, 2) pour deux poids identiques, on a deux mesures différentes – je néglige les deux options où les poids et mesures correspondent, identiques ou différents. Dans le champ moral, c’est la version 2) qui est généralement comprise par la formule pour dénoncer une dissymétrie dans l’indignation, mais la version 1) est aussi pertinente, elle renvoie à une fausse symétrie.

Version 1) la notion de « génocide » assimile les bombardements massifs de Tsahal sur Gaza aux génocides des Arméniens, des Juifs, des Tsiganes, des Tutsi,.. Or si ces bombardements tuent de façon inhumaine et indifférenciée les membres du Hamas et la population de Gaza, les palestiniens de Cisjordanie ne sont pas exterminés, sans même parler des Palestiniens arabes de citoyenneté israélienne. Par ailleurs, si l’on peut discuter l’intention génocidaire du gouvernement israélien, celle du Hamas le 7 octobre ne fait aucun doute : si rien n’avait empêché les tueurs dans leur abomination, ils auraient exterminé toute la population israélienne.

Version 2) comme le dit Ariane Mnouchkine « le Hamas est la malédiction des Palestiniens, et Netanyahou celle des juifs israéliens ». L’indignation qui ne s’adresse qu’à l’un des deux, est stérile et même contre-productive. Ainsi traiter Netanyahou de « nazi » est abusif (version 1) mais le faire sans traiter de même les islamo-fascistes du Hamas, est un signe de malhonnêteté intellectuelle, voire une manipulation intellectuelle pour ceux qui sont à juste titre indignés par le sort des gazaouis (version 2).

Ainsi la formule « Deux poids, deux mesures » est d’une simplicité trompeuse : masse, poids et mesures sont des notions physiques de base, alors que les situations qui appellent un jugement juridiques ou moral sont toujours complexes et singulières. Aucune situation ne peut être rigoureusement identique à une autre : ce qui s’est passé le 7 octobre et ce qui se passe à Gaza ne constituent pas des situations identiques, mais séparer abstraitement la seconde de la première est calamiteux.