« Les mots peuvent
être comme de minuscules doses d’arsenic : on les avale sans y prendre garde,
ils semblent ne faire aucun effet, et voilà qu’après quelque temps l’effet
toxique se fait sentir. » Victor Klemperer, LTI. La langue du IIIe
Reich, 1947
Le « pouvoir » d’achat a été, est et sera un thème central de
la campagne des élections législatives. Incontournable, omniprésent,
mobilisateur, consensuel, aucun parti en lice ne songe à le mettre en question,
tous veulent l’augmenter. Pourtant je fais partie de ceux qui pensent que
l’inflation de ce thème dans le débat public est le signe d’une quadruple catastrophe,
politique, sociale, écologique et anthropologique.
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Une catastrophe politique. Le « pouvoir » d’achat des individus signe
l’impuissance politique des citoyens convoqués tous les cinq ans pour entériner
le sacre d’un monarque républicain désigné d’avance, chef du parti conforme
à l’ordre consensuel des choses.
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Une catastrophe sociale. Le « pouvoir » d’achat signe la dissolution du lien
social dans le libre jeu de la concurrence entre les individus
producteurs-consommateurs, sa généralisation à toutes les classes sociales
disqualifie l’idée de justice sociale
impliquant solidarité et redistribution.
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Une catastrophe écologique. Le « pouvoir » d’achat rend inopérante l’idée essentielle
de sobriété énergétique impliquant nécessairement une baisse du « vouloir
d’achat ».
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Une catastrophe anthropologique. Réduisant
l’activité humaine au triptyque consommateur / touriste / spectateur[P1] , le « pouvoir » d’achat n’implique pas la conscience
ou la délibération, mais la réponse impulsive d’un cerveau disponible aux nudges du neuro-marketing.
Disserter sur la toxicité du « pouvoir »
d’achat peut sembler indécent
quand on fait partie de ceux qui disposent du superflu. Deux remarques :
1) le superflu est une impérieuse nécessité quand il concerne l’art, la
connaissance, l’amour, la politique ; 2) souligner la toxicité de « pouvoir » d’achat sert à remettre au centre
du débat public la justice sociale :
nul ne doit manquer du nécessaire.
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