vendredi 9 avril 2021

Vivons-nous sous une dictature ?

          

         On entend souvent dire que nous sommes sous la coupe d’une « dictature sanitaire ». Cette affirmation n’est pas à prendre à la légère.

        Dictature ? Sous une dictature le pouvoir est concentré entre quelques personnes, les libertés de base sont abolies « au nom du peuple » et du bien commun. D’après cette définition élémentaire, notre régime actuel semble bien relever de la catégorie « dictature », non d’une tyrannie, ni d’un totalitarisme : la corruption n’a pas gangréné l’Etat, et les opposants ne disparaissent pas sans laisser de trace. Ce constat ne signifie pas pour autant que nous ne sommes plus en démocratie : cette dictature se présente comme un « état d’urgence » provisoire, conforme à notre constitution républicaine et démocratique. Pas de quoi pavoiser quand même : d’après un indice de démocratie basé sur 60 critères, la France, 24ème sur 167 pays, fait partie des « démocraties imparfaites » - avec par exemple la Hongrie, la Pologne et le Brésil, pour situer notre niveau. De ce point de vue, nous avons considérablement régressé ces dernières années par la combinaison de l’hyper-présidentialisme et de la pérennisation de l’état d’urgence. Nous sommes donc actuellement dans un régime de l’exception devenue la règle, que l’on ne peut pas encore qualifier de « démocrature » comme la Russie ou la Turquie, mais, si l’on respecte le sens des mots, de « dictature démocratique ».

         Sanitaire ? En République, l’Etat a une mission de santé publique. Or pour la majorité des citoyens et des experts, nous traversons une crise sanitaire grave. Aussi il semble légitime que l’Etat prenne des mesures fortes, y compris la restriction de certaines libertés. En effet, il ne faut jamais oublier qu’en démocratie, le pouvoir exécutif, élu dans les règles, exprime la Volonté générale, autrement dit, c’est nous, citoyens, qui voulons ce que décide le gouvernement. En régime d’urgence, les mesures exceptionnelles doivent en permanence être évaluées en fonction de leur pertinence et de leur caractère provisoire. Or si la majorité des citoyens et des experts reconnaissent une certaine efficacité aux mesures d’obligation du port du masque, de confinement, de restriction des déplacements et des réunions, l’impression largement ressentie est que les restrictions de liberté dépassent ce qui serait strictement nécessaire au vu de l’évidence scientifique établie, que la communication gouvernementale ressemble fort à une propagande visant à entretenir la peur et produire le consentement, et que le caractère autocratique du pouvoir central, qui caractérise depuis longtemps l’imperfection démocratique française, s’est considérablement renforcé, sans perspective de retour en arrière. En effet, les périls sanitaires, sociaux, et écologiques ne manqueront pas pour légitimer la continuation d’un état d’urgence indéfiniment « provisoire ». Un autre facteur ne pousse guère à l’optimisme : plusieurs études menées avant cette crise mettaient en évidence une nette préférence d’une majorité de citoyens français pour un Etat plus fort, plus autoritaire. On a donc de bonnes raisons de penser que nous sommes subrepticement passés du régime de démocratie imparfaite à celui de dictature démocratique. Ainsi 2022 sera une étape cruciale pour savoir si c’est bien un tel régime que nous voulons collectivement.

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