En temps de guerre, on nous somme de consentir des sacrifices pour faire front collectivement, les jeunes au front paient le plus lourd tribut en vies perdues, les vieux souffrent à l’arrière de pénuries et de restrictions. Or en Pandémie ce schéma s’inverse. Cela n’est pas sans conséquences.
Le premier sacrifice est celui de la
liberté au nom de la santé. La protection du groupe des « personnes à
risques » rend totalement légitime des mesures liberticides pour tous, y
compris pour ceux qui a priori ne risquent rien, ou très peu. Ce principe de
solidarité, essentiel pour maintenir le lien social, tient encore même s’il est
menacé par la dérive hyper individualiste de l’ordre néolibéral.
Un autre sacrifice est corrélatif au
premier : celui de la jeunesse pour sauver le 3ème et le 4ème
âge, les « vieux ». Or ce sacrifice prolonge et aggrave les inégalités
de statuts, de revenus et de patrimoines entre les jeunes et les vieux,
inégalités qui se sont énormément aggravées depuis quelques décennies, et qui sont
totalement paradoxales du point de vue anthropologique : les jeunes
représentaient depuis toujours les forces actives à qui il incombait de
soutenir et protéger les anciens, en finançant leurs retraites par exemple. Mais
la précarisation galopante de la jeunesse a inversé les rôles, les jeunes
perdent alors sur tous les tableaux, ils sont les plus précaires et c’est d’eux
qu’on exige le sacrifice le plus rude.
Cette injonction sacrificielle déséquilibrée
est lourde de menaces : les sacrifiés d’aujourd’hui alimenteront demain le
fond abyssal de rancœur et de ressentiment contre l’Etat, contre un ordre social
inique, et certainement un nouveau cycle de violence dont l’épisode « gilets
jaunes » n’aurait alors été qu’une version apéritive.
Une seule issue positive est
envisageable pour les sacrifiés d’aujourd’hui, un « New deal », à l’image
de ceux engagés après les dernières guerres : des politiques sociales
ambitieuses qui ont généreusement compensé les sacrifices consentis. Ainsi on
pourrait supprimer pendant 10 ans les cotisations sociales des restaurants, cafés
et des secteurs les plus touchés, en augmentant celles des secteurs qui ont
profité de la Pandémie, améliorer significativement et durablement le
statut des intermittents, garantir un revenu universel pour les jeunes qui
arriveront dans la vie active, aider significativement les entreprises qui les
embauchent, tout en augmentant la contribution des groupes « favorisés »
en terme d’emplois, de revenus, de patrimoines, de retraites conséquentes, de
revenus financiers. Notre prospérité est directement le fruit de politiques
sociales énergiques et ambitieuses engagées après les dernières guerres. Ne sommes-nous
pas en guerre ?
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