« Il faut que
tout change, pour que rien ne change ! » dit le jeune et
ambitieux Tancredi incarné par Alain Delon dans Le Guépard de Visconti. Au risque de gâcher la fête joyeuse des
fans notre J.F.K. alias Emmanuel Macron, il me semble que cette formule résume
parfaitement la situation, et que c’est ainsi qu’il faut comprendre le progressisme
macronien, son opposition au conservatisme de nos vieux partis, et le renvoi
annoncé aux poubelles de l’histoire du « vieux » clivage
droite / gauche. Qu’en est-il ?
Le conservateur défend le présent quand le progressiste
est tourné vers le futur, et le réactionnaire vers le passé. Ainsi le
progressisme a longtemps été un attribut spécifique de la gauche,
magnifiquement exprimé par cette formule poétique « Cours camarade, le
vieux monde est derrière toi ! ». Le progrès signifiait en ce temps
là l’émancipation des hommes vis-à-vis de toutes les formes d’aliénation, économiques,
sociales, politiques, religieuses, culturelles, …
Mais le progrès est un concept flou, puisque son sens
originel est l’avancée d’un processus, y compris quand il échappe à toute
volonté, comme le progrès d’une maladie. En l’occurrence le progrès macronien
exprimé comme « nécessité de réformer », « urgence de moderniser »,
c’est la litanie habituelle de l’adaptation au processus néo-libéral mondial qui
effrite peu à peu le socle de protections et de droits qui servait de base aux
individus, qui dissout les vieilles solidarités, qui réduit toutes les valeurs
à une seule, le prix, qui détruit la nature. Le label, ou plutôt la marque « En
marche » se comprend alors non comme un effort de la volonté, mais plutôt
comme un lâcher-prise, l’abandon de toute résistance, de toute adhésion rigide aux
cadres du passé, pour se couler dans le courant néo-libéral né… au tournant des
années 80. Ce « progressisme » apparaît dès lors comme l’ombre portée
d’un conservatisme du présent, relooké avec les couleurs chatoyantes de la
nouveauté : changement de génération, changement de style, changement de
têtes…
Ainsi les rabat-joie voient l’élection de M. Macron comme
un désastre… qui nous a sauvés d’une catastrophe !
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