dimanche 6 mars 2016

Travailler, à quoi est-ce utile ?




La réforme du droit du travail est une nouvelle occasion de voir la « gauche » faire une réforme que la droite n’a pas osé faire. Plus de flexibilité, moins de « rigidité », soit en clair plus d’exploitation et moins de protections, sacrifiées sur l’autel de la croissance et de l’emploi. Cette réforme provoque justement un mouvement d’interrogation sur la légitimité et sur l’efficacité de ce sacrifie, surtout quand il est opéré par un gouvernement qui se prétend de « gauche ». Mais il y aurait aussi une occasion de s’arrêter un instant sur la centralité du travail dans notre vie. Travailler, à quoi est-ce utile ?
Il y a bien sûr l’utilité économique, celle qui crée de la plus-value, des bénéfices, des dividendes, mais aussi les salaires et la consommation.
Il y a l’utilité sociale et environnementale, celle qui renforce les liens entre les individus, préserve nos biens communs, développe l’autonomie locale.
Il y a enfin l’utilité pour soi, celle qui répond à nos besoins primaires et celle qui nous humanise : l’expression de soi, la connaissance, l’amitié, l’amour, la politique,…
Le travail c’est l’effort en vue de l’utilité, dans ces trois sens.
Les trois utilités se recouvrent mais l’utilité économique, en régime capitaliste, est devenue une sphère autonome, faisant de l’économique le critère exclusif de l’utilité, ou d’un autre point de vue, la réduction de toutes les valeurs à une seule : le prix. La sphère économique a aussi réduit le travail à l’emploi, et l’emploi au salariat, c’est en ce sens qu’on parle d’un code du travail. Le capitalisme fait donc oublier cette évidence : l’utilité économique n’est qu’un moyen en vue des deux autres utilités réellement humanisantes. Si l’on considère la misère comme l’inutilité à soi et aux autres, on peut dire que le régime capitaliste produit deux misères symétriques : celle d’être exploité, et celle de ne pas l’être. La première met les travailleurs au service exclusif de l’utilité économique, la seconde fait du chômeur un « inutile ».
            De ce point de vue, nous vivons sous un régime du travail où la misère d’être exploité n’est rien en comparaison à celle de ne pas être exploité ! Quel code du travail changera ce triste constat ?

                                                          

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