Si expliquer c’était déjà excuser, il faudrait
renoncer à expliquer l’inexcusable, et concéder aux terroristes une victoire symbolique :
la dévaluation de la recherche de vérité comme aveu de faiblesse. Qu’en est-il ?
Expliquer un acte c’est remonter à ses causes, selon
la formule de Spinoza « Les hommes
se croient libres pour la seule raison qu’ils sont conscients des leurs
actions, et ignorants des causes par quoi elles sont déterminées ».
Excuser c’est comprendre un acte ou bien pardonner
son auteur. L’excuse est ainsi un concept ambigu : il relève soit de la justification
(au sens du mot d’excuse), soit du pardon (au sens de la formule « excusez-moi »),
mais ces deux dimensions sont indépendantes car on peut comprendre sans rien
pardonner, ou pardonner sans rien comprendre.
Pour y voir clair
il faut encore distinguer la démarche explicative de la compréhension : la
première vise les causes de l’acte, la seconde les raisons d’agir de son auteur.
Je pense comme Spinoza que les causes déterminantes d’un acte - sociales,
économiques, culturelles, psychologiques, idéologiques - échappent globalement aux
individus, contrairement aux raisons qu’ils se donnent de faire ce qu’ils font,
une rationalisation, une histoire qu’ils se racontent, pour justifier a
posteriori un acte déterminé inconsciemment. Ce constat ne dédouane aucunement
les auteurs de l’acte, ni de leur liberté ni de leur responsabilité :
disons que nous somme à 100% déterminés à vouloir faire ceci ou cela, mais à
100% libres de passer à l’acte, ou pas (sauf en cas de maladie mentale ou de l’effet
d’une drogue).
Ainsi il me
semble qu’expliquer n’est aucunement excuser. La science nous dit qu’aucun acte
n’est inexplicable, la morale nous dit qu’il y a des actes inexcusables. En l’occurrence
il faut inlassablement chercher les causes de la radicalisation de certains
jeunes, sans rien excuser de leur passage à l’acte. Penser l’impensable c’est tenter
de pénétrer l’univers mental de ceux qui nous paraissent radicalement autres,
ceux qui ont déserté le monde commun, et prétendent qu’ils ne peuvent pas
coexister avec nous. Expliquer leurs actes, c’est les réintroduire de force
dans notre monde, les empêcher de faire « monde à part ».
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