jeudi 29 janvier 2015

Pourquoi tant de phobies ?



L’inflation du lexique de la peur dans l’espace public engendre énormément de confusions. Il exige donc une analyse dont voici une esquisse sommaire.
Ce lexique se partage selon deux modes : la phobie et la paranoïa.
Le premier mode se décline en islamophobie et en homophobie, avec un glissement de sens : on comprend généralement ces termes comme marqueurs d'une aversion spontanée alors que la phobie, issue du registre de la psychopathologie, est avant tout une peur intense et irraisonnée, dont l'objet est un substitut qui masque l'objet véritable causant l'effroi.
Le second mode se manifeste dans le complotisme, un délire de persécution caractéristique du style paranoïde. Il fait son miel des faits d'actualité et surfe sur le climat de défiance vis à vis de toutes les institutions, pour construire un délire très construit et surtout immunisé contre toute réfutation possible. Il y a trois types de complot selon leurs instigateurs : le système, les élites, ou certaines minorités - juifs ou francs-maçons en général. Ainsi l’antisémitisme doit être distingué de l’islamophobie, relevant du registre de la paranoïa plutôt que de celui de la phobie,
L’inanité d’une phobie irraisonnée s’oppose au discours de la paranoïa complotiste, au contraire hyper-rationnel… à ceci près qu’il fait fi de deux principes élémentaires de la pensée rationnelle : le *rasoir d'Ockham et le *rasoir d'Hanlon. Enfin, la phobie et la paranoïa engendrent à leur tour une contre-phobie et une contre-paranoïa, qui s’avérent tout aussi délétères : phobie de toute critique de l’Islam, de la politique d’Israël ou des excès des revendications identitaires, phobie de toute évocation des comités occultes, de l’activité provocatrice des services secrets ou de la collusion entre certains systèmes de pouvoir et le terrorisme djihadiste. Dans cette extrême confusion des termes, il faut donc bien distinguer :
-       la peur et la haine ; une panique irrationnelle et une méfiance légitime. Admettons par exemple que craindre l'Islam, comme toute religion prosélyte ayant une branche intégriste très active, est un sentiment rationnel, alors que ressentir de l'effroi face à tout ce qui évoque l'Islam - les foulards ou les barbes par exemple - est bien de l'ordre d'un symptôme phobique.
-       le complotisme pathologique et l’exercice de l’esprit critique, une saine méfiance vis-à-vis du pouvoir, l’examen rigoureux des discours officiels, ainsi que l’enquête nécessaire sur l’activité masquée des comités occultes où s’exerce un pouvoir sans contrôle.
« Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde » disait Camus.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire