jeudi 12 janvier 2012

Faut-il défendre la démocratie?

Si l’on considère la démocratie comme un état de la société, caractérisé par la souveraineté du peuple, alors ceux et celles qui qualifient notre régime actuel d’oligarchique, ont tort. Que cela nous plaise ou pas, Nicolas Sarkozy a été choisi par le peuple, et si le résultat du référendum sur le projet de constitution européenne a pu être annulé par le parlement, c’est que celui-ci représente « démocratiquement » le même peuple français que celui qui a majoritairement voté NON à ce projet.
Mais si, comme je le pense, la démocratie est un processus infini vers un idéal - le régime où le peuple délibère et décide lui-même directement, alors il est possible d’évaluer si, à tel endroit, à tel moment, la démocratie progresse – comme en Islande - ou régresse – comme en Hongrie.
La démocratie-état s’oppose simplement et radicalement à la dictature. Dans la démocratie-processus, il n’y a pas de solution de continuité entre les deux régimes, il faut envisager la possibilité de régimes hybrides : des « démocratures ».
Dans une « démocrature » l’activité civique serait réduite au seul vote des représentants - une fois tous les 5 ans par exemple – par une portion réduite du corps électoral ; une classe politique se constituerait, qui s’octroierait des privilèges et se maintiendrait au pouvoir par des cumuls de mandats dans le temps et l’espace ; elle aurait des liens étroits avec ceux qui tiennent le pouvoir économique, qui contrôleraient par ailleurs les grands médias d’information.
Je fais partie de ceux qui pensent que nous sommes aujourd’hui en France en situation de « démocrature », et que cela est d’autant plus grave que des décisions  engageant notre souveraineté devront être prises prochainement du fait des crises économique et écologique. Faut-il défendre la démocratie ?

2 commentaires:

  1. Pour moi, la démocratie c’est le pouvoir au peuple. En particulier le pouvoir ultime de décider ce qu’il délègue à ses représentants et ce qu’il ne délègue pas. En France, le peuple ne dispose pas de ce pouvoir ultime, car la Constitution n’est pas entre ses mains. Pour moi, soit le peuple dispose de ce pouvoir ultime et c’est une démocratie, soit il n’en dispose pas et ce n’est pas une démocratie. Dans chacune de ces deux catégories, le régime peut prendre différentes formes.

    Les différents régimes qui ne sont pas démocratiques se distinguent par la quantité de pouvoir que ceux qui disposent du pouvoir ultime (le monarque ou les oligarques) veulent bien octroyer au peuple. Ces différences de degrés sont cruciales. En France, les citoyens peuvent élire leurs représentants (parfois, si le président le veut bien, ils peuvent même se prononcer sur une question par référendum). Ce pouvoir d’élire ses représentants ne fait pas de la France une démocratie, mais fait que ce n’est pas une dictature. Je préfère le terme «élucratie» (qui évoque le pouvoir des élus) à «démocrature», car ce n’est ni une démocratie ni une dictature. Voir http://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/democratie-elucratie-et-dictature-106093.

    Sur le fonds, je suis d’accord avec vous qu’il s’agit d’un processus infini pour tendre vers un idéal. Mais une fois que le peuple acquiert le pouvoir ultime de décider quel pouvoir il confie à ses représentants, il y a à mon avis un changement de nature que je reflète par un changement de terminologie en adoptant véritablement le mot «démocratie». Contrairement à l’idéal inatteignable, ce point charnière est à notre portée.

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  2. Vous pensez avoir trouvé le noyau dur de la démocratie dans le pouvoir du peuple vis-à-vis de la constitution. Je partage votre idée mais, d’un point de vue moins radical, on peut distinguer plusieurs types de régimes démocratiques, et parmi eux la démocratie libérale où le peuple sous-traite l’activité politique à un corps de professionnels, afin de jouir de sa bulle privée. Ce type de régime est fondé sur une méfiance vis-à-vis d’une forte participation politique du peuple. Il n’en relève pas moins de la démocratie au sens le plus large.
    Si l’on veut affiner, il faut produire de nouveaux concepts. « Démocrature » est une tentative dans ce sens mais il conviendrait mieux à la Russie de Poutine qu’à la France. « Elucratie » ? Pourquoi pas ? Que pensez-vous de « partitocratie » ? En France, les partis sont les structures de pouvoir qui captent et monopolisent les postes de pouvoir.
    D’accord avec votre dernier point.

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