jeudi 29 septembre 2016

Nos ancêtre sont-il gaulois ?



Nul doute que la question de l’identité nationale va contaminer les débats des mois à venir. En voici une version : Avons-nous besoin de la fiction d’une origine commune ? Le mot « nation » repose en grande partie sur ce mythe qui semble nécessaire pour faire d’un ensemble hétérogène d’individus un corps politique unifié : le peuple. Mais ce mythe est aussi un poison car il contient en germe l’idée toxique que les français constituent une ethnie avant d’être un corps politique. Le « gaulois », c’est le « français de souche » pour les nationalistes… mais aussi le « blanc, face de craie » pour les enfants d’immigrés des quartiers « populaires ». Il apparaît donc que gaulois est un terme qui sert à la fois à unifier et à discriminer. Alors faut-il continuer à enseigner dans les écoles le catéchisme républicain « nos ancêtres les Gaulois » ? Je pense que oui, à condition d’expliquer dans le même temps deux choses essentielles :
-       Être français n’est pas une question d’ethnie, c’est l’inscription dans une Histoire collective qui se superpose aux histoires familiales des individus. Ainsi d’une part notre identité est multiple, d’autre part le « Nous » n’est pas simplement l’addition de tous les « je » ;
-       L’identité est un terme totalement ambivalent puisqu’il renvoie à ce qui permet de m’identifier en me distinguant des autres, mais aussi à ce qui me rend identique aux autres. Si être français est une question d’ancêtres, la France est au fond une nation comme n’importe quelle autre. Ce qui la distingue en fait c’est une culture, une langue et un héritage singulier, celui des Lumières : une vocation à l’universel.
Enfin, s’il faut unifier le corps composite, pluriel et hétérogène du peuple français, le mythe de l’origine commune est toxique s’il n’est pas immédiatement complété par l’affirmation d’une communauté de destin.

jeudi 15 septembre 2016

Comment utiliser les mots pour dé-radicaliser ?



« Mal nommer les choses c'est ajouter au malheur du monde » (Camus)
Il est urgent de repenser notre façon de parler des fous d'Allah, trouver un lexique à la fois objectif et pragmatique, car l’affrontement se joue d’abord dans les mots que nous utilisons, dont je prétends qu’ils sont actuellement  retournés contre nous comme un étendard symbolique : Daesh, Etat islamique, en guerre radicale contre le reste du monde, utilisant  le terrorisme pour réaliser un projet glorieux.
Chacun de ces vocables - Etat,  Islam, guerre, combattants, radicalité, terrorisme – est positif pour les soi-disant « radicalisés », y compris le dernier, parfaitement conforme au projet explicite de terroriser l'ennemi mortel, nous. Ainsi les médias font le jeu de Daesh en ignorant naïvement ce que les publicitaires savent bien : en matière de propagande, les mots sont plus importants que les propositions, ils parlent à l'imagination et à la sensibilité alors que les propositions parlent à l’entendement et à la raison. Par ailleurs, si l'on y regarde de plus près, aucun de ces mots ne désigne vraiment ce dont il est question.
Etat ? Il n'y a pas d'Etat constitué mais une secte armée implantée sur des territoires dont les frontières sont floues. Islam ? L’idéologie de cette secte n’est pas l’Islam – pas plus que celle des Enfants de Dieu n’est le christianisme – il s’agit d’une forme hybride, l’islamo-fascisme. Guerre ? La guerre relève d'un affrontement réglé entre ennemis clairement identifiés, or ici qui sont les ennemis de Daesh ? les français de toutes origines ? les occidentaux ? le reste de l'humanité ? Il s’agit en fait d’un projet génocidaire : éradiquer de la surface de la terre tous les « mécréants ». Combattants ? Ce terme implique le courage de se battre pour une cause, or aucun de ces « combattants » ne peut être qualifié de courageux et a fortiori d'héroïque. Il s’agit en fait d’esprits faibles, border-line ou psychopathes, soumis à une emprise mentale, une forme pathologique de servitude volontaire. Radicalité ? La radicalité consiste à revenir à la racine, à pousser ses principes jusqu'au bout, au fond un radical est quelqu'un qui vit ou agit en conformité avec ses principes. Il s’agit en fait d’absence totale de repères, une forme de nihilisme. Terrorisme ? Les allemands nommaient "terroristes" les résistants, d'ailleurs terroriser l'ennemi est une stratégie possible de la guerre, y compris la guerre « juste » comme la bombe nucléaire d'Hiroshima ou le bombardement de la ville de Dresde par les avions alliés (100 000 morts civils). Il s’agit là encore d’un projet génocidaire proche dans sa méthode du génocide rwandais : tuer n’importe qui n’importe où avec tous les moyens disponibles.
Voici donc les mots à la fois irrécupérables et objectivement fondés pour qualifier Daesh : une secte islamo-fasciste à visée génocidaire agissant par manipulation et emprise mentale sur des esprits faibles, semi-débiles, border-line ou psychopathes.

mercredi 27 avril 2016

Nuit debout, le temps du Demos est-il arrivé ?




La Nuit debout est autre chose qu’un mouvement d’opposition à la « loi travail », elle « ne revendique rien »… si ce n’est l’essentiel : l’aspiration à une démocratie « réelle ». En effet la démocratie ne peut qu’en un sens extrêmement faible s’accommoder d’une classe politique professionnelle, reconduite d’élections en élections, soumise à une idéologie unique, le néolibéralisme, sans jamais rendre de compte sur ses échecs, ses promesses non tenues, son incapacité chronique à dessiner les contours d’un avenir commun, à créer les conditions d’une solidarité entre les générations, entre les classes sociales. La question est d’autant plus cruciale que l’idée se généralise selon laquelle notre système, de fait une oligarchie élective, est à bout de souffle. La Nuit debout est-elle le moment historique d’une régénération démocratique, le moment du Demos ?
L’avènement du Demos, le Peuple souverain, implique le conjonction de la grève générale et de la réunion d’une assemblée constituante, moment exceptionnel à la fois insurrectionnel et institutionnel. A cette aune on mesure qu’on est loin, très loin de ce moment fondateur, même si on n’en a pas été aussi près depuis longtemps.
Mais Nuit debout est aussi, quoiqu’en disent ses acteurs, l’annonce d’un péril : la dérive vers un mode autoritaire de la démocratie – la démocrature – le démon du Demos. En opposant de façon manichéenne les élites et le peuple, les riches et le peuple, « eux » et « nous », le moment du Demos risque aussi d’être aussi celui des tribunaux populaires, des comités et des milices, du lynchage des « ennemis du peuple », eux, les autres qui ne veulent pas du changement, qui freinent le cours de l’histoire, les « réacs », les « fachos »,…
Quand la foule expulse un vieux philosophe sous les insultes et les crachats, pour cause de pensée non-conforme, les amis de la liberté doivent trembler.
                                                           

jeudi 24 mars 2016

Peut-on être à la fois islamophobe et antiraciste ?



            Les concepts n’existent pas hors-sol dans le Ciel des Idées, ils sont historiques, leur sens est modifié par le cours de l’histoire. Ainsi, le vocable « communiste » n’a pas le même sens au moment où est publié le Manifeste du parti communiste en 1848, en 1870, en1917, en 1956 ou en 1968. De même l’émergence de l’islamo-fascisme - c’est bien ainsi qu’il convient de le nommer – met à l’épreuve le concept d’islamophobie.
Il est hors de doute que les islamo-fascistes de Daesh, Aqmi ou Al Qaida sont racistes : les « mécréants » sont pour eux ce qu’étaient les juifs ou les tsiganes pour les nazis, des rebuts de l’humanité à exterminer. Ainsi tout musulman se trouve selon moi dans la situation d’un allemand à l’époque hitlérienne, ou d’un communiste à l’époque stalinienne ; il devrait se sentir contraint moralement à mettre en question son appartenance à une communauté au nom de laquelle des atrocités sont commises. Un allemand en 1940 ou un communiste en 1956, ayant un tant soit peu de sens moral, ne pouvait que se sentir honteux. La honte est un sentiment qui devrait amener celui qui le ressent à se questionner : Qu’ai-je fait pour empêcher ça ? Que puis-je faire pour que cela cesse ? La honte ne va pas non plus sans humilité : je ne peux plus arborer comme un drapeau mon appartenance à un groupe qui suscite légitimement la méfiance, la crainte, voire l’hostilité.
Combien de musulmans ont abjuré leur appartenance religieuse ? Combien y a-t-il eu de fatwas contre Daesh ? Combien de musulmans ont manifesté publiquement leur révolte contre l’islamo-fascisme ? Combien sont partis en Syrie rejoindre les opposants contre Daesh ? Combien ont cessé de porter la barbe ou le voile ? Bien trop peu, me semble-t-il, au regard du milliard et demi de musulmans sur la terre. L’Islam m’apparaît donc comme une idéologie qui affaiblit le sens moral. Suis-je pour autant islamophobe ?
L’islamophobie est un concept ambigu : littéralement, la phobie de l’Islam est une angoisse ou une aversion irraisonnée voire pathologique face à toute manifestation d’appartenance à l’Islam, elle relève de la psychologie, alors que l’islamophobie au sens usuel relève d’une catégorie morale et politique : le racisme. Une nouvelle signification de l’islamophobie émerge aujourd’hui par la force du cours de l’histoire : ni phobie pathologique, ni haine raciste, juste la honte, le sentiment empathique d’avoir honte pour l’autre. Or avoir honte pour quelqu’un c’est le reconnaître comme une personne morale à part entière. Par ailleurs le respect est dû aux individus, nullement aux idéologies. Alors, en ce sens, et en ce sens seulement, je suis à la fois islamophobe et antiraciste.