vendredi 2 mai 2025

Faut-il sauver l'écriture* ?

 

Les gens écrivent de plus en plus, mais lisent de moins en moins (source : baromètre 2025 du CNL). Pour comprendre ce paradoxe, il faut distinguer 1) l'écriture* réflexive impliquant relecture puis correction, et l’écriture° spontanée sur les réseaux sociaux, qui n'est qu'un oral secondaire, une orature ; 2) la lecture* profonde impliquant une concentration continue et exclusive sur un texte, et la lecture° superficielle. Ainsi le paradoxe se dissout : les gens lisent° et écrivent° de plus en plus,... mais lisent* et écrivent* de moins en moins. 

La cause en est, c’est bien documenté, l'omniprésence chronophage des écrans, mais le problème est plus profond : cette omniprésence développe une habitude d'attention diffuse et sautillante, au détriment de l'attention focalisée continue nécessaire pour la lecture* profonde et l'écriture* réflexive. La pratique de lecture* faiblit mais résiste, promue par l’école, les parents, et l’industrie du livre. Celle-ci a compris le profit qu'elle peut tirer des IA, ainsi le nombre d'ouvrages écrits - ou coécrits - par Chatgpt augmente de façon exponentielle (source : actualitte.com). Par contre la pratique d'écriture* se réduit de plus en plus aux cercles universitaires, littéraires ou journalistiques.

L'enjeu n'est pas trivial : alors que le monde bascule sous nos yeux, il y a une régression sans précédent du politique, une dévalorisation massive des valeurs démocratiques au profit d'une pure logique de la puissance qui déteste la pensée, et donc la lecture* et l’écriture*. Cette situation inédite rend nécessaire une mobilisation de l’intelligence politique collective dont la base fondamentale est la discussion. Je prétends que l'écriture* en est une condition nécessaire, car elle seule permet l'expression de ses pensées de la façon la plus juste possible, elle seule permet à ceux qui entrent dans la discussion d'être bien compris, contredits, nuancés, enrichis,...

Ca tombe bien : il n’y a jamais eu sur la terre autant de lecteurs-scripteurs ! Triste constat : les gens sont intimidés, paralysés par l'écriture*, et même on dirait qu’ils détestent écrire*. Sommes-nous destinés à laisser la connerie et le bullshit nous submerger au moment où le monde bascule ?

Ne laissons pas le capitalisme cognitif, ses armées d’algorithmes et d’IA, nous exproprier de la lecture* et de l'écriture*. Soyons le plus nombreux possible à penser le plus possible, donc à écrire* le plus possible !

Aux plumes citoyens !