Si penser c’est opérer avec des signes, le
mot est l’outil par excellence de la pensée. Tous les totalitarismes, toutes
les dictatures ont bien compris l’enjeu essentiel du contrôle du langage, et
précisément du lien entre les mots et la réalité. Aujourd’hui se déroule en
direct live une véritable guerre dont les victimes sont des mots, rien que des
mots, guerre visant l’arraisonnement du seul et unique moyen de faire face à
tous les périls qui nous menacent : la pensée.
Différence cruciale
avec les guerres contre les mots menées dans le passé par les
totalitarismes : les IA, les réseaux sociaux, les moteurs de recherche
donnent au nouveau projet d’arraisonnement du langage une puissance phénoménale.
Ainsi, à une échelle jamais atteinte, les structures de pouvoir
politico-techno-économiques travaillent de concert pour effacer la nuance,
pervertir le sens, instaurer une novlangue
appauvrie, simplifiée, purement fonctionnelle, débarrassée des potentialités
émancipatrices de la langue commune. Deux projets se combinent et se renforcent
mutuellement : interdire et faire dire.
- Les nouveaux empires en Russie, en Chine
et aujourd’hui aux Etats-Unis interdisent purement et simplement les mots
« dangereux », des listes* ridiculement longues agglutinent dans un
catalogue à la Prévert des mots hautement subversifs avec des mots ordinaires
selon l’actualité. Aujourd’hui, comme toujours, la créativité des locuteurs est
sans limite pour inventer des alternatives, remplacer les mots interdits en
jouant sur l’homophonie, la métonymie, les associations d’idées,… Mais quelque
chose a changé la donne : la communication interpersonnelle passe de plus en plus par des machines et des
systèmes qui échappent complètement à ceux qui les utilisent et dont le
contrôle hyper-efficace est concentré entre quelques mains.
- Ainsi nos mots et leur sens sont extraits
de nos données, puis réinterprétés par des algorithmes de recommandations
pilotés par des IA qui, de manière subreptice, suggèrent telle façon de formuler
plutôt que telle autre. Le langage humain digéré et recraché par les
méga-systèmes numériques devient une langue froide, appauvrie, purement
statistique et fonctionnelle.
Comment résister ?
La fonction de penser ne se délègue
pas ! Alors reprenons la main sur nos mots en refusant les recommandations
algorithmiques, en refusant que des IA écrivent à notre place, et en osant
communiquer notre pensée à un cercle restreint de personnes connues, plutôt qu’à
une foule anonyme impersonnelle :.Soignons
nos mots, le reste ira de lui-même.
* Liste
de mots interdits par l’administration Trump, de mots à retirer, de mots qui,
si vous les utilisez dans un article scientifique ou sur des sites web en lien
quelconque avec une quelconque administration étatsunienne, vous vaudront, à
votre article, à votre site, et donc, aussi, à vous-même, d’être
« flaggé », d’être « signalé » et, ensuite, possiblement,
« retiré » :
·
activism, activists,
advocacy, advocate, advocates, barrier, barriers, biased, biased toward,
biases, biases towards, bipoc, black and latinx, community diversity, community
equity, cultural differences, cultural heritage, culturally responsive,
disabilities, disability, discriminated, discrimination, discriminatory,
diverse backgrounds, diverse communities, diverse community, diverse group,
diverse groups, diversified, diversify, diversifying, diversity and inclusion,
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opportunity, equality, equitable, equity, ethnicity, excluded, female, females,
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minority, historically, implicit bias, implicit biases, inclusion, inclusive,
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trauma, under appreciated, under represented, under served,
underrepresentation, underrepresented, underserved, undervalued, victim, women,
women and underrepresented.