« L’histoire se répète d’abord
comme une tragédie, puis comme une farce » disait Marx. La bouffonnerie
trumpienne serait-elle alors une farce… tragique ?
Nous avons vécu depuis 80 ans dans l’illusion d’un
mouvement général, universel, naturel, vers la démocratie. Le réveil est brutal,
les Empires sont de retour, et leur ennemi est clairement désigné : la
démocratie libérale, ses valeurs, ses normes, son régime de droits sociaux, ses
impôts, sa prétention à réguler l’économie. Les Etats-Unis représentaient
symboliquement le rempart ultime des démocraties contre les Empires, russe et
chinois. Or l’élection de Donald Trump signe la fin de cette illusion. Le « retour de l’âge d’or » américain,
sous le sigle MAGA, marque en fait le retour à l’ère des grands Empires qui se
partagent le monde, et qui ne connaissent, hors d’eux-mêmes, que des vassaux soumis
ou des ennemis à abattre. Ce retour se fait selon trois modalités : le Dialogue mélien, les Compagnies des Indes et les Zones extraterritoriales.
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Le Dialogue
mélien décrit par Thucydide, pendant la guerre du Péloponnèsel, eut lieu entre
Athènes et la petite île de Mélos, indépendante et neutre. Accepter que Melos
ne soit pas soumise à l’Empire athénien était inconcevable, Mélos fut décimé,
ses habitants massacrés, selon le principe suivant : La justice ne
s’applique pas entre forces inégales. C’est ce principe qui semble au cœur des nouvelles
politiques impériales en Ukraine, au Tibet, à Gaza, au Panama, etc…
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Les Compagnies
des Indes furent des extensions des Empires européens, échappant à toute
juridiction pour alimenter leurs économies et leur puissance. Ces Compagnies
battaient monnaie, avaient leurs propres cours de justice, leur armée privée
pour soumettre et réduire en esclavage les colonies. Ce modèle inspire à l’évidence
les Entreprises-Etats des géants de la tech.
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Les Zones
enfin sont les effets visibles de la guerre souterraine que mène le capitalisme
à l’ère impériale contre la démocratie : paradis fiscaux, ports francs,
technopoles, lotissements privés,… la perforation des tissus sociaux par des
zones d’extra-territorialité, émancipées des pesanteurs des normes, du droit du
travail, des impôts. A l’ère impériale, il faut protéger le capitalisme contre
les masses démocratiques ou le droit international.
Nous vivons peut-être un basculement historique dont nos
vieilles démocraties ne semblent pas avoir pris la mesure. Où sont les leaders
politiques à la fois lucides, courageux, et capables d’unir les forces
démocratiques contre le retour des Empires ? Et nous, citoyens européens,
adhérons-nous encore à la démocratie libérale ? Face à l’Ubris débridée du
duo Trump-Musk, qui est aussi celle de Poutine et de Xi Jinping, l’Europe, la France
tout particulièrement, illustre bien ces vers prémonitoires du poète irlandais
Yeats au début du terrible XXème siècle :
« Les meilleurs manquent de toute conviction, tandis que les pires sont
animés d’une intense passion ».