vendredi 17 janvier 2025

Derrière Charlie et Facebook, y a-t-il un enjeu civilisationnel ?

 

La liberté d’expression est légitimement considérée comme une valeur essentielle, mais la concomitance de deux faits d’actualité, l’anniversaire de l’attentat contre Charlie et l’abandon de toute régulation sur Facebook, rappelle son ambivalence : cette liberté peut être vecteur d’émancipation ou de domination. On le sait depuis longtemps, mais la puissance technologique déchaînée fait peut-être aujourd’hui de cette opposition un enjeu civilisationnel.

La liberté d’expression qu’incarne Charlie relève de la liberté de la presse, un pilier essentiel de toute démocratie où les opinions dans leur grande diversité doivent pouvoir être publiées par des médias indépendants où travaillent des journalistes qui assument leur travail. Charlie c’est le rire contre les fanatismes… au risque de blesser, mais les cibles de Charlie sont les religions et les idéologies qui ne peuvent en aucun cas  être « offensées ».

La liberté d’expression sur Facebook relève d’une toute autre catégorie. Comme X, Tik-tok, Instagram, etc… les réseaux dits « sociaux » sont essentiellement l’expression publique d’opinions individuelles privées. Où est le problème ? Les algorithmes attribuent un poids relatif aux opinions exprimées, or on sait que la haine, la désinformation ou les théories extravagantes attirent infiniment plus que la mesure, les faits établis ou les théories scientifiques standards. Ainsi, des spirales algorithmiques opaques amplifient ces biais générant des communautés de croyances hermétiques à la critique, qui divisent la société en groupes hostiles refusant l’idée d’un l’intérêt commun. Les démocraties tentent de mettre en place des normes de modération, mais l’abandon de toute régulation par Mark Zuckerberg, après X, inaugure une ère de liberté d’expression déchaînée.

Les réseaux devenant ainsi de fait « antisociaux » sont les instruments de pouvoir d’une poignée de méga-entreprises mondiales, qui visent dorénavant explicitement à saper la démocratie libérale et ses normes régulatrices, et rendre obsolètes les médias « classiques » d’information, voire-même la profession de journaliste.

Il y a alors un véritable enjeu civilisationnel dans l’opposition frontale entre les démocraties libérales et les Seigneurs de la Tec. Qui gagnera ? La puissance de la norme ou la norme de la puissance ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire