vendredi 29 mars 2024

Peut-on penser le viol avec consentement ?

 

« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise, est un viol. » Cette définition de notre code pénal risque d’être bientôt modifiée par l’inscription dans le droit français de la notion de consentement.

Or la notion de consentement est problématique car elle est polysémique et ambiguë. En effet, l’un des sens du verbe consentir est accepter quelque chose qu’on ne peut pas empêcher le consentement à l’impôt - ; un autre sens est accorder une faveurconsentir un prêt. Il y a ainsi dans l’idée de  consentement une asymétrie entre deux parties, une position d’infériorité ou au contraire de supériorité, mais l’équilibre est possible aussi comme dans l’échange de consentements qu’est le mariage. Le flou sémantique du consentement est d’ailleurs parfaitement rendu par l’adage « Qui ne dit mot consent ». Ainsi pour éliminer l’ambiguïté, il faut ajouter des qualificatifs - en médecine notamment - pour un consentement exprès, libre et éclairé.

La modification de la loi aurait un effet redoutable : lors d’un acte sexuel, il faudrait exprimer clairement et explicitement son désaccord, faute de quoi le consentement serait réputé implicite. Or l’analyse des cas de viols qui s’est énormément développée ces dernières années dans la lignée du mouvement Metoo#, a mis en lumière deux éléments qui invalident cette conception du viol : la sidération de la victime, qui la paralyse, la rend muette, et la dissociation mentale, qui produit une séparation subjective entre le corps et l’esprit. Ainsi en matière de sexualité, le consentement est problématique car on peut consentir par son silence à ce qu’on ne veut pas, ou à l’inverse consentir par un Oui quand on n’a pas la force ou le courage de s’opposer. Le viol n’est donc pas incompatible avec le consentement !

L’engagement dans un acte sexuel passe d’abord par des signes et secondairement par des mots : les mots sans les signes sont vides, alors que les signes sans les mots sont pleins de sens. C’est l’empathie vis à vis du désir d’autrui qui est au fondement de l’acte sexuel. Bref contrairement au calamiteux stéréotype selon lequel non pourrait signifier oui, il faut apprendre très tôt que non, c’est non, mais que oui ne signifie pas toujours oui, et que le silence ne signifie rien. Il faut donc les mots et les signes : le consentement et l’assentiment. Je soutiens que l’introduction de la notion de consentement dans la loi n’aidera ni les victimes ni les juges, bien au contraire.

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