L’affaire des
Enfoirés nous rappelle une vérité de base : il y a toujours une tension
dans le passage de témoin entre les générations, ceux qui sont en place défendant
naturellement l’ordre établi contre les jeunes, facteurs de changement, et donc
de déstabilisation. Ainsi chaque société se caractérise par un certain mode de
règlement de la transition générationnelle. Aujourd’hui c’est plus pareil, ça
change, ça change… Aujourd’hui chacun est sommé de « rester jeune » jusqu’à
ce qu’Alzheimer ou la mort s’en suivent, tant la jeunesse, devenue synonyme de
santé physique et mentale, recouvre quasiment toute la vie adulte. Pratique :
plus de vieux, donc plus de conflit de générations !
Mais ce
jeunisme affiché est le masque botoxé d’un séniorisme réel ! Les
« seniors », outre les positions de pouvoir, trustent les revenus du
patrimoine et du travail, les CDI, les logements et les dernières retraites à
taux plein, alors que les djeunes sont assignés à résidence chez Papa et Maman,
vivotant de stages en petits boulots, CDD et allocations. Ce constat prend
l’allure d’un désastre si on y ajoute le fait que les baby-boomers ont siphonné
les ressources naturelles, les énergies fossiles, et détruit la nature par leur
mode de vie. Ils ont même épuisé les ressources idéologiques qui servaient de
support imaginaire au changement. Plus de …ismes, plus de lendemains qui
chantent, seul subsiste un éternel présent saturé de mesquines données
comptables sur la crise ou la croissance. Les jeunes révoltés de 68 voulaient
déboulonner l’ordre ancien, mais ils le faisaient sous le double signe du
plaisir et de l’opulence. Vaneigem avait saisi dans une formule parfaite
l’esprit du temps : « Nous ne voulons pas d’un monde où la garantie
de ne pas mourir de faim s’échange contre le risque de mourir d’ennui. »,
et Jouhandeau prophétisait justement « Dans vingt ans vous serez tous
notaires ». Les jeunes révoltés d’aujourd’hui n’ont ni le tremplin de la
confiance en l’avenir ni le ressort de l’ennui, tant leur quotidien est
joyeusement rempli de fun, video-games et autres you-tuberies. Ceux qui
auraient malgré tout quelques velléités de révolte, n’ont guère le choix
qu’entre devenir zadistes, empêcher le monde de se défaire, ou djihadistes, faire
un monde où tout est empêché. Quant à ceux qui rechignent à l’idée de se faire
matraquer par des CRS à Sivens, ou se faire zigouiller en Syrie, ils n’ont plus
guère qu’une façon de dire « merde » au monde des seniors
sur-vitaminés : voter FN ! Le comble, si l’on considère que le FN représentait
jusqu’à une époque récente ce que la société avait de plus moisi : un
parti de vieux, nostalgiques de Pétain, de la messe en latin ou de l’Algérie
française.
La jeunesse et
la révolution c’était mieux avant ! Parole de vieux con.