jeudi 11 avril 2013

Faut-il "moraliser" la politique ?



Nouvelle crise de panique morale : « Ô stupeur ! Les élus de la République ne sont pas les parangons de vertu qu’ils devraient être. Vite, hâtons-nous de « moraliser » la politique, et tout rentrera dans l’ordre. » Que faut-il en penser ?
Je pense, quant à moi, qu’il faut préserver la distinction entre la morale à la politique. La morale est le domaine du bien et du mal, alors que la politique est celui de la volonté et du courage. De plus, il y a une opposition entre les deux domaines : la morale est univoque et inconditionnelle, quand la politique est nécessairement plurivoque et conditionnelle, car faite de délibération entre différentes conception du bien. Mais je vais plus loin : en politique le recours à la morale est un danger, en deux sens :
-       d’une part un pouvoir qui s’interdit le mensonge, la duplicité et le parjure, est comme un agneau au milieu d’une meute de loups,
-       d’autre part un pouvoir qui se donne comme projet politique le Bien, la Justice, la Vérité, sera légitimé à user de toutes les violences au nom de cet idéal.
Ainsi, comme Machiavel l’a magistralement exposé il y a plus de 500 ans, le bon usage du pouvoir politique implique une mise entre parenthèse de la morale : « Il est parfois dangereux [pour le Prince] de faire usage [des qualités morales], quoiqu’il soit utile de paraître les posséder. »
Enfin, on veut à tout prix nous faire oublier cette vérité anthropologique : le pouvoir corrompt les hommes, dans son exercice (c’est la leçon de Machiavel), comme dans sa conquête : qui peut imaginer un instant que l’on puisse atteindre les plus hautes places de pouvoir sans jamais user du mensonge, de la calomnie ou de la trahison ?
La « moralisation de la vie politique », plébiscitée par les citoyens, est donc, selon moi, un écran de fumée pour éviter d’envisager une régénération de notre démocratie rabougrie. A contrario de tous les appels lénifiants à « restaurer la confiance », une démocratie forte devrait promouvoir une saine défiance vis-à-vis du pouvoir, ce qui implique une déprofessionnalisation de la politique, des contre-pouvoirs multiples et indépendants, et surtout l’implication active des citoyens dans la vie politique. Et ça, personne n’en veut.

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