jeudi 14 mars 2013

L'entreprise est-elle une institution démocratique ?


Les citoyens helvétiques viennent de décider, par référendum, de limiter la sur-rémunération des PDG des entreprises suisses cotées en bourse. Et tout le monde d’applaudir cette magnifique avancée démocratique : faire de l’A.G. des actionnaires l’instance souveraine de l’entreprise ayant autorité sur son pouvoir exécutif, le conseil d’administration, n’est-ce pas transférer dans le domaine de l’entreprise la priorité du parlement sur le gouvernement ? Ainsi, l’’A.G. souveraine étant l’idéal-type de la démocratie directe, l’actionnaire devient donc, par la grâce d’un plébiscite référendaire, l’analogue du citoyen : l’entreprise enfin reconnue comme une institution démocratique !
Il manque juste un terme dans un schéma si harmonieux : les salarié(e)s de l’entreprise ! Exclus de la « citoyenneté d’entreprise », celle-ci s’apparente dès lors à celles de la démocratie athénienne ou de la démocratie censitaire : une partie du peuple est exclue de la représentation et de la délibération, les esclaves, les femmes, les métèques, les non-propriétaires, les indigents, les domestiques et… les salariés.

Mais, objectera-t-on, les actionnaires ne sont-ils pas les propriétaires objectifs de l’entreprise ? Au fond l’Etat n’« appartient »-il pas symboliquement au corps des citoyens ? L’analogie semble tellement limpide qu’elle s’impose à nous, mais elle masque le principe qui la sous-tend : l’argent prime absolument sur le travail. Autrement dit : 1) le seul apport qui légitime une contrepartie institutionnelle, est le numéraire, et non l’investissement du corps et de l’esprit, 2) la seule rationalité à même de « bien gouverner » l’entreprise est celle, instrumentale, du retour sur investissement sous forme de dividendes, à l’exclusion de celle, prudentielle, de ceux qui, ne faisant « que » travailler, ne sont pas censés avoir un avis raisonnable et pertinent sur le bien de « leur » entreprise. Les actionnaires des grandes sociétés suisses pourront donc continuer à récompenser grassement les dirigeants qui leur garantissent le meilleur retour sur investissement, au détriment de l’environnement, de la santé physique et mentale des salariés.
Mise en lumière du paradoxe de la démocratie : régime de l’égalité des citoyens, capable de légitimer les régimes qui la rejettent, la tyrannie ou l’oligarchie.

1 commentaire:

  1. Mon cher Claude
    Je ne comprends pas ton aversion contre cette initiative citoyenne fédérale qui, que je sache, émane bien du peuple.
    Une autre initiative est en cours pour procurer un "Basic Income"... (LOL)
    C'est la première fois, que je sache, qu'un pays et un peuple et pas n'importe lequel, se prononce pour tenter de réduire les inégalités.
    Quels sont les personnes les plus amènes à bloquer les hauts revenus dans les sociétés anonymes cotées en bourse sinon les personnes à qui appartient l'entreprise : les actionnaires (petits et gros).
    Préférerais-tu, comme le propose le Parti de Gauche (Mélanchon), que ce soit l'Etat qui assure lui-même ce rôle ?
    Personnellement, je préfère laisser à l'entreprise le soin d'assurer son rôle dans le cadre de l'institution la plus démocratique en son sein : l'Assemblée Générale des actionnaires.
    Que l'Etat s'occupe en priorité de ses dérives et il y en a :
    - Nombres de députés et de sénateurset avec des revenus et des primes souvent incongrus
    - nombres de couches administratives avec des redondances de responsabilités
    - Rémunérations et nominations des "hauts fonctionnaires"
    - etc

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